Erbray (44), un village de potiers aux Landelles

Carte de Cassini : ERBRAY et le village des Landelles

Erbray est une petite commune de Loire-Atlantique, située à huit kilomètres au sud-est de Châteaubriant. Son histoire a été marquée par l’extraction de la chaux : la castine. Cette pierre a servi de fondant dans les nombreuses forges de la région. De nos jours la chaux y est toujours exploitée.

Sur la paroisse d’Erbray est un village, « Les Landelles » auprès duquel se trouvait un gisement d’argile. C’est là, que tout naturellement s’étaient regroupés des potiers. Pendant plus de trois siècles, ils produisirent des poteries pour toute la région.

Un article de L’Éclaireur de Châteaubriant par Léo GAUTRET publié le 4/12/2021, nous apprend que des fouilles archéologiques ont été entreprises sur une parcelle de 1600 m2 aux Landelles.

Sources : https://actu.fr/pays-de-la-loire/erbray_44054/pres-de-chateaubriant-plus-dune-centaine-de-poteries-vieilles-de-plusieurs-siecles-decouvertes_46956261.html

Mi-octobre 2021, une équipe de six archéologues de l’inrap (Institut national de recherches archéologiques préventives) sous la responsabilité de Patrick Bellanger entreprend des fouilles sur le site des Landelles.

Patrick Bellanger, spécialiste de l’étude des céramiques de l’époque médiévale précise que les habitants des Landelles étaient à la fois potiers et agriculteurs.

Le sol du hameau abonde en éléments archéologiques. Sur la parcelle fouillée, on a trouvé la présence de fondations d’un bâtiment de la fin du 13e – début 14e siècle. On a mis au jour plusieurs fossés contenant de très nombreuses poteries datées du 14e au 17e siècle. Il a été découvert plus d’une centaine de poteries dans ces fosses. Elles présentent la particularité d’avoir été cassées au moment de la cuisson ou déformées, les rendant impropres à la vente. Cependant une vingtaine de ces poteries ont été découvertes intactes ou presque.

Le village des Landelles a été un site de production potière très actif depuis le Moyen-âge jusqu’au début du 19e siècle. Ces découvertes apportent aussi des éléments sur l’organisation du village. Les études qui sont menées permettront de donner une chronologie des différents vestiges.

Une tasse quadrilobée et des pichets

©Léo GAUTRET/L’Éclaireur de Châteaubriant

 

Une gourde peinte.

©Léo GAUTRET/L’Éclaireur de Châteaubriant


Ce village dépendait au Moyen-Âge de la seigneurie de la Ferrière qui jouissait du droit de haute, moyenne et basse justice. Sa juridiction s’étendait dans les paroisses d’Erbray et de Moisdon.

Au début du XVIIe siècle, le manoir de la Ferrière était entre les mains des Seigneurs de la Cocquerie, maison noble de la paroisse de Saint-Aubin-des Châteaux. Pierre Bonnier était seigneur de la Cocquerie, la Ferrrière… Conseiller du roi au parlement de Bretagne.

Jean PITRAULT, potier des Landelles au nom de sa corporation de potiers vint lui rendre aveu en 1626. (Aveu : déclaration que le vassal doit rendre à son suzerain) Nous sommes sous le règne de Louis XIII.

« Devant nous notaires des cours de Châteaubriant, la Ferrière, etc., a comparu en sa personne Jan Pitrault, potier, demeurant au village des Landelles, en la paroisse d’Erbray, lequel se cognoissant et confessant et par les présentes cognoist et confesse estre suject, comme tous et chacun les autres potiers dudit villaige et poterie des Landelles, de noble et puissant messire Pierre Bonnier… et lui debvoir , comme tous et chacun les aultres potiers et consorts de la dicte poterie, les rentes, debvoirs et obéissances cy-après déclarés, comme au seigneur de ladicte poterie, à cause de la juridiction de la Ferrière. »

Après cette déclaration qui sert de préambule, Jean Pitrault énumère les différents droits du seigneur de la Ferrière sur les potiers.

« Premièrement, il est dû audict seigneur le rouage audit village et poterie des Landelles sur tous et chacun des potiers de la dicte poterie, scavoir que chacun potier, ayant roue à faire pocts levée et tournante… doit par chacune roue, par chacun an, à chacune feste de la Pentecôte, audict seigneur de la Cocquerie, comme seigneur de la dicte poterie, le nombre de six deniers en monnoye de Nantes. » Donc chaque potier pour chacune des roues en activité ou non devait tous les ans à la Pentecôte six deniers.

Puis suivait le droit de service , en effet, « l’usage de poteries pour le service de la maison dudict seigneur, qu’ils doivent rendre, après avoir esté choisies par ledict seigneur ou gens de par luy, sur lesdites poteries et sur chacun desdits potiers, jusqu’en l’une des maisons ou manoirs de leur dict seigneur soit aux paroisses de Saint-Jan-de-Béré ou Sainct-Aubin-des-Châteaux. »

« Et Oultre trois pièces de royelles que luy doivent chacun desdicts potiers, le jour de la vigille de Pentecoste, au choix dudict seigneur. »

Vient maintenant le droit de quintaine, très détaillé :

« … qui est que chacun homme et femme, qui coucheront la première nuict de leur noce au dict villaige des Landelles, doivent courir à cheval, frapper et rompre en courant une lance ou une perche en forme de lance convenable, et ce contre ladicte quintaine dudict seigneur, plantée audict villaige, armoriée de ses armes ; faulte de quoy faire et rompre la dicte lance doivent audict seigneur un septier d’avoinne contenant seize bouexaulx d’avoine, mesure de Châteaubriant. »

Les potiers des Landelles ne devaient pas travailler du 24 décembre au 22 janvier sinon ils devaient s’acquitter d’une amende.

« … depuis vigille de Nouel jusqu’à la sainct Vincent en janvier, doict comme dict est amendable vers le dict seigneur de soixante souls et un denier, monnoye d’amende. »

« … Tous les potiers sont tenuz de graver et mettre sur toutes leurs œuvres et ouvraiges de poterie les armes dudict seigneur, comme étant seigneur de ladicte poterie. »

Cet écu servait d’indication d’origine.

Armoiries de Pierre Bonnier :

D’argent à trois trèfles de sinople


Il leur fallait encore s’acquitter de deux deniers sur toutes les bêtes vendues aux Landelles

Pierre Bonnier n’était pas seul à se dire seigneur de la poterie des Landelles, le propriétaire du manoir de la Cour Péan, haute justice, revendiquait les mêmes droits. L’héritier de la famille De la Grée était en 1628 Jean de Kerboudel, placé sous la curatelle de Pierre de Caradeuc, seigneur de la Chalotais, ce dernier fit un procès à Pierre Bonnier pour obtenir les droits dont il jouissait. Ce procès ne dura pas longtemps et se termina par une transaction entre les deux parties.

Sources : Revue de Bretagne et de Vendée ( Tome XXII année1867 deuxième semestre) « Les anciens manoirs bretons » par l’abbé Guillotin de Corson p 95/101

Les potiers des Landelles étaient spécialisés dans la fabrication des pots à beurre. Il faut savoir que pendant longtemps le beurre n’était pas vendu en coin ou en motte, mais en pots, dont la forme et la contenance étaient déterminées par le juge de police de la baronnie. Des procès-verbaux nous apprennent qu’on vit apparaître sur des marchés des pots si étroits à leur ouverture, qu’il n’était guère possible d’en sortir le beurre pour s’assurer de son poids.

Le commerce de lait, de beurre et de miel, ainsi que les autres usages domestiques, assuraient à cet artisanat de bons débouchés.

Sources :Trésors du pays de Châteaubriant

Ce sont peut-être les potiers qui ont été à l’origine de la construction de la Chapelle Notre-Dame-de-la-Liesse. En 1692, se marièrent dans cette chapelle Henri LOUVEL et Jeanne PITRAULT.


Chapelle Notre-Dame-de-la-Liesse

Photos de Jean-Paul Frappin

Armoiries de la famille de Condé





La chapelle écroulée en 1894 et reconstruite en 1896, dépendait de la seigneurie de la Ferrière. La cloche date de 1701. Cette chapelle abrite les armoiries de la famille de Condé.

D’après Joseph CHAPRON, toute une légende s’y rattache : « l’un des recteurs voulut fermer le sanctuaire à cause des fêtes, des danses, qui avaient trop pris d’ampleur le jour du pèlerinage. A son retour, la clef tomba et lui avec, il lui fut impossible d’avancer. Il fit demi-tour, laissa la porte ouverte et sa santé fut rétablie. Il comprit ainsi que Notre-Dame-de-Liesse exigeait qu’il laissât le peuple se distraire de temps à autre. »

Dans ma généalogie, du côté de mon arrière-grand-mère maternelle (Eugénie Communal née le 28/11/1879 à Saint-Aubin-des-Châteaux et décédée le 19/09/1925 à Nantes), je trouve au moins trois familles de potiers des Landelles :


Guénaële LE MAUFF



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