C comme Colonie Agricole et Pénitentiaire
En faisant des recherches sur le frère d’une de mes ancêtres sur Geneanet, je suis tombée sur un relevé établi d’après les dossiers de détenus à Mettray (dans l’Indre-et-Loire). Ledit Charles Octave y est entré en 1890 (Tous les renseignements correspondent, sauf l’année de naissance, qui est 1876). Il avait donc alors 13 ans et demi ; j’ai appris par la suite, dans la presse locale sur Retronews, qu’il avait été arrêté en 1890 pour vagabondage, « sa mère l’ayant abandonné » (son père était décédé l’année précédente).
J’ai donc fait des recherches sur cette Colonie Agricole et Pénitentiaire de Mettray, à côté de Tours :
Fondée en 1839, la première du genre, cette Colonie, considérée comme un modèle, fait d’abord l’objet de toutes les louanges. Les principes fondateurs idéalistes sont issus de réflexions sur le statut des enfants dans l’univers carcéral (à l’époque, la séparation entre détenus majeurs et détenus mineurs n’existe pas).
Cette institution vise les enfants auteurs de petits larcins, vagabondage et autres délits mineurs. Elle est réservée aux garçons (les filles étant le plus souvent envoyées dans des institutions religieuses).
On compte sur la séparation avec la famille pour « redresser » les enfants, loin de la ville et de la famille, en fournissant une formation professionnelle et un environnement serein.
Cet établissement privé comporte, outre le réfectoire et les dortoirs, une chapelle, des ateliers, des étables, des fermes-écoles, de vastes champs cultivés et même une carrière de pierres. Au fronton du portail d’entrée est inscrite cette maxime : « Mieux vaut prévenir que réprimer »
Les pensionnaires font l’objet d’une surveillance constante. Ils portent un uniforme. L’instruction tient peu de place, une heure par jour avec un peu de calcul, de lecture et d’écriture. Le travail est pénible, la nourriture médiocre. Les fautes sont sanctionnées par des amendes, des retenues, la réclusion en cellule au pain et à l’eau.
Les premières années se passent à peu près bien, d’autres colonies sont créées (comme celle de Belle-Ile-en-Mer en 1880).
En 1855 s’ouvre une section, la « Maison Paternelle » réservée aux fils de famille placés par mesure de correction, indépendante du reste de la Colonie, où les enfants placés peuvent étudier.
Cependant, au fil des années, l’établissement rencontre des difficultés financières, la réputation de la Colonie de Mettray se fissure, à mesure que des sévices et maltraitances filtrent dans la presse. Plusieurs fonctionnaires et employés sont renvoyés, d’anciens colons font des témoignages glaçants. La Colonie est qualifiée de « bagne pour enfant », « établissement de torture ». L’opinion publique se mobilise.
En 1934, une
mutinerie dans la Colonie de Belle-île-en-mer débouche sur une
chasse à l’homme et de graves sévices, qui achèvent de faire
basculer l’opinion publique ; les médias dénoncent le sort
de ces pauvres enfants.
Il faut cependant attendre la fin de la
Seconde Guerre Mondiale pour que le gouvernement interdise dans la
loi ces colonies, le 2 février 1945.
Pendant la durée de son activité, Mettray vit passer entre ses murs plus de 17 000 enfants.
SOURCES : Retronews – La colonie pénitentiaire pour enfants de Mettray, « établissement de torture »
Geneakiwi – Colonies agricoles-pénitentiaires- les Bagnes pour Enfants
National Geographic – De l’isolement aux « bagnes pour enfants » : l’impitoyable Justice des mineurs français
VIDEOS : You Tube : Mettray, la première colonie pénitentiaire de France pour enfants délinquants
EPILOGUE : J’ai retrouvé la trace de Charles Octave dans la presse, sur Retronews, dans 5 articles de presse locale entre ses 21 ans et 25 ans ; décrit comme « pauvre diable », « idiot plus qu’à moitié et simple d’esprit », « que les enfants prennent plaisir à poursuivre dans la rue », « dit Yu-Yu », « pochard importun », … sans profession ni domicile fixe, il a été exempté du service militaire et je n’ai pas trouvé trace de son décès.
Si vous voulez en savoir plus sur la colonie de Mettray, vous pouvez consulter, entre autre, l'ouvrage de Jean-Michel SIEKLUCKI, Un bagne en Touraine ? La colonie de Metrray, Lumière et ombre, paru aux éditions Lamarque en 2022, ou celui de Chassat/Forlivesi/Pottier, Eduquer et punir, la colonie agricole et pénitentiaire de Mettray (1839-1937), aux éditions Presses universitaires de Rennes, en 2005.
RépondreSupprimerJM Sieklucki est un ancien avocat du barreau de Tours, et L Forlevisi, l'ancien directeur des Archives départementales d'Indre-et-Loire (pardon pour les autres auteurs que je ne connais)
Toujours insupportable de constater que le vagabondage, bien que dû à l'extrême misère, était considéré comme un crime... Un roman policier qui évoque bien l'ambiance de la colonie pénitentiaire de Belle Île juste avant " la chasse à l'enfant" de 1934 : "Les larmes de Belle Île", de Jean Paul Le Denmat... ( Sylvie, du blog Traces et petits cailloux)
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