X comme X l’inconnu

En mathématiques, on baptise « X » ce qu’on ne connaît pas. D’où vient cette habitude qui a même envahi la justice avec les plaintes contre X et à quoi sert-elle ? Ce « X » a une longue histoire. L'idée de nommer l'inconnu vient de Diophante, un mathématicien grec du IIIe siècle qui l'a appelé arithmos (le nombre). La tradition de Diophante passa aux mathématiciens arabes du Moyen Âge, qui changèrent le mot utilisé. Au IXe siècle, Al-Khawarizmi nommait l'inconnu shay, ce qui signifie « la chose ». Les Andalous, alors sous influence arabe, écrivaient ce mot en caractères latins xay. Au XVIIe siècle, René Descartes simplifia ce terme en ne gardant que son initiale x.

En généalogie également nous avons tous un X inconnu ou inconnue. C’est le plus souvent un X inconnu, car il est plus facile de connaitre la mère que le père. A cette époque ces mères célibataires comme elles sont appelées aujourd’hui, étaient alors des « filles-mères » avec tout le mépris et les sous-entendus qui étaient la cohorte de ce mot, « trainée », « catin » voire prostituée. Les curés de Sarzeau nommaient ces femmes des « filles libre » c’est-à-dire sans conjoint attaché et connu de tous. Etaient-elles moins sujettes aux rumeurs et sous-entendus ? Pas si sûr.

J’ai donc dans ma généalogie un X inconnu. C’est mon sosa n°10, mon arrière-grand-père paternel du côté maternel. Mon arrière-grand-mère, Victorine Marie Françoise Davio, accoucha le 16/036/1887 de Marie Joséphine Davio. 

 Victorine est la 6ème des 8 enfants de François Claude Davio et Jeanne Doceux. L’ainée Jeanne meurt de maladie à 11 ans. François le second, se noie en Loire à 21ans. Eugène ne vit que 3 ans. Marie, la 4ème sera domestique toute sa vie dans une maison bourgeoise et ne se mariera pas. Edouard se mariera, aura une descendance, mais disparaitra complètement de la mémoire familiale. Pour quelle raison ? Puis nait Victorine, le 13/02/1864 au Pellerin, Loire-Atlantique, dans le village du Grand-Chemin. (Vous vous souvenez du film avec Anémone et Richard Bohringer ? Eh oui !). Un autre François est l’enfant qui suit, mais il ne vivra que 15 minutes. Joséphine est la dernière enfant du couple. Elle se marie, a un fils Germain qui mourra hélas à 9 mois. 6 mois plus tard elle devient veuve. Elle se remarie à 42 ans avec Joseph Cormerais un veuf avec enfants. Pour nous, dans le récit familial, il sera le tonton Cormerais, sans prénom.

Revenons à Victorine. Elle a 23 ans quand elle accouche pour la 1ère fois. Il n’y a pas de père. Au recensement de 1886, elle vit encore chez ses parents avec sa jeune sœur, Joséphine. Edouard a quitté le domicile parental pour être palefrenier à Rouans, le bourg voisin. Qui peut-être ce X, inconnu ? Le récit familial évoque un prisonnier allemand, incorporé dans la construction du canal de la Martinière (1°), commencé en 1882. Cette hypothèse parait un tantinet farfelue. Comment un prisonnier allemand pouvait-il être présent sur les lieux ? Il aurait pu s’agir d’un prisonnier de la guerre de 1870, mais cela fait 26 ans et la guerre les français l’ont perdue, cette guerre. S’il y a eu des prisonniers allemands, il y a longtemps qu’ils sont rentrés chez eux. Par contre, des ingénieurs hollandais étaient présents sur site pour assurer la bonne marche des travaux. Pour les béotiens du coin, la langue hollandaise et la langue allemande ne devaient pas faire la différence. Voilà pour cette hypothèse qui en vaut une autre. Le Grand-Chemin n’est qu’à 1,5 km de la Martinière, Victorine et bien d’autres devaient aller voir l’avancée des travaux. Espérons qu’elle fut consentante. Le 11/04/1893 nait Pierre, qui lui non plus n’aura pas de père. C’est sa grand-mère qui déclare sa naissance, et elle est épouse Daviaud. (Tout au long de cette généalogie Davio ou Daviaud ou Daviau, il a fallu jongler entre les 3 orthographes). Sa mère ne le reconnaitra qu’en juillet 1893, et il décèdera en septembre, à l’âge de 4 mois.

Voilà 2 enfants nés de X inconnu, et dont le X était peut-être différent. Et c’est probable, car Pierre est né à Rouans où les grands-parents et la mère étaient alors domiciliés. Marie, elle, est née au Pellerin.

  Marie à l’âge de 20 ans environ.

Victorine retournera au Pellerin et deviendra domestique chez un grand-oncle jusqu’à sa mort à 52 ans en 1916.

Sur cette photo, sans doute vers 1910, on peut voir de gauche à droite, Joséphine, veuve sans enfant, Jeanne Doceux la mère, dans son fauteuil, ma grand-mère Marie Davio et Victorine, sa mère.

(1)

L'ingénieur Adolphe Radiguel propose en 1861, le premier projet de création d'un canal parallèle à la Loire pour permettre aux navires de commerce de naviguer jusqu'au port de Nantes et à ceux construits dans les chantiers navals nantaisn 1 de gagner le large. Le chantier est entamé en 18821,2.

Le canal est opérationnel en 1892 après 10 ans de travaux3. Une partie des machines et du matériel a auparavant servi pour la construction du canal de Suez.

Il est conçu comme une voie de dérivation au fleuve, qui à cet endroit devient moins profond à cause de l'ensablement de son lit, et délicat pour la navigation. Trois ouvrages majeurs sont construits pour le système de fonctionnement des écluses : la Martinière (à l'est), le Carnet (à l'ouest) et les Champs-Neufs à mi-chemin du canal3. Ce dernier était en outre doté d'un siphon, permettant une régulation des eaux différenciée entre les douves des marais de Vue et celles du canal lui-même. Deux "parkings à bateaux" permettent aux navires de fort tonnage de se croiser, à la "Teignouse" au Pellerin, et entre la Roche et le Carnet à Frossay.

Le canal connaît une intense période d'activité avec la grande navigation qui dure 20 ans, jusqu'en 19133, avec environ 10 000 passages pendant ces 20 années4. Les progrès des moyens de dragage permettent d'améliorer la navigabilité du fleuve et le canal devient obsolète. Il est utilisé comme un cimetière de grands voiliers entre 1921 et 1927. La batellerie fluviale y circule jusqu'en 1943

Pendant la Seconde Guerre mondiale, les Allemands l'occupent, puis les Américains, de 1957 à 1967, y stockent du matériel de l'OTAN. Le canal maritime est fermé à la navigation en 1959. Dans les années 1960, grâce à plusieurs aménagements, notamment les vannes de la Martinière, de Buzay et du Carnet, le canal devient l'outil de régulation hydraulique du Pays de Retz. Son dévasement a débuté dans les années 1990, à l'aide de petites dragues.



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