P 241 la reine des locomotives

(Souvenir d’enfance : Le métier de mon père)

241 P sur la rotonde - dépôt Dijon-Perrigy -

Ce matin maman nous réveille doucement, sans faire de bruit. Papa rentré dans la nuit dort encore, il ne faut pas le réveiller. Chouette, à midi nous mangerons tous ensemble, ce n’est pas si souvent.

Du haut de mes sept ans, ma sœur jumelle et moi sommes fiers de notre père : il est chauffeur sur locomotive à vapeur, et pas n’importe laquelle ; chauffeur sur la 241 P : la reine des locomotives, la plus puissante locomotive française.

Avec le mécanicien, ‘bobèche’ (son surnom), ils font une équipe très enviée ; sept ans ensemble et pas question qu’ils partent en congé en même temps. Il faut toujours qu’il y en a un des deux sur ‘la loco’… ordre de ‘Bobèche’. Sacré caractère ce mécanicien.


La 241 P

Le chef de dépôt de Dijon-Périgny à affecté cette septième locomotive (241 P 7) au mécanicien ‘Bobèche’ et à son compagnon chauffeur : mon père. La réception de cette machine eu lieu en avril 1949. J’avais trois ans, c’est maman qui m’a conté cette journée où le tandem mécanicien-chauffeur sont partis récupérer la locomotive aux usines Schneider au Creusot. Une machine toute neuve, étincelante avec sa couleur vert olive.


Normalement, ils doivent revenir le lendemain dans la journée, mais le chef dépôt leur ordonne d’aller à Marseille, où la 241 P, sera exposée le temps de la foire.

Le retour est prévu pour dans 8 à 10 jours … Ce sera dans trois semaines !! Et la remontée sur Dijon est programmée en deux jours … Elle se fera en trois … Il faut roder la machine !

Du caractère, je vous dis, ce mécanicien.

Les dimensions de la locomotive, cette ‘Moutain’ à quatre cylindres, sont impressionnantes :

27,117 mètres de long avec son tender, (la machine seule :17,172 m). Une masse de 131,4 tonnes pour la machine, 36,7 tonnes pour le tender.

En ordre de marche avec dans le tender 34 000 litres d’eau et 12 tonnes de charbon, elle pèse plus de 214 tonnes ! Ses 4 000 chevaux (puissance de 2 944 kW), lui permet de tracter des trains de 750-800 T à une vitesse de 120 km/h.

Elle est magnifique cette 241P, l’élégance d’un ‘ pur-sang arabe’, la force d’un ‘percheron’, robuste comme un quarter-Horse’.

Avec notre mère nous allons régulièrement en promenade ‘aux remparts’, voir passer les trains partant en direction de Lyon et de la Suisse. Notre joie est d’autant plus grande, lorsque c’est pour voir passer ‘le train de papa’.

Il n’est pas encore en vue, que déjà nous savons qu’il va arriver, le mécanicien actionnant le sifflet plus que de raison pour annoncer son passage devant nous (maman a prévenu papa de notre sortie).

Tous deux sur la plateforme de la machine nous font des signes de mains… Nous crions : C’est papa, c’est papa !! il ne nous entend pas c’est sûr, mais nous sommes heureux de l’avoir vu sur ‘Sa’ machine.

Regarder la fumée noire qui sort de la cheminée, qui s’étire comme un long foulard de sorcière au-dessus de la locomotive avec cette odeur de poussière de charbon chaud, c’est magnifique.

La 241 P, en plein effort de prise de vitesse, souffle, crache de la vapeur enveloppant la locomotive d’un voile blanc comme pour la protéger, la rendre encore plus belle.


Je comprends mieux aujourd’hui pourquoi les femmes de mécanicien et de chauffeur disent qu’elles font ménage à trois avec leur mari et la locomotive.

Et oui… La locomotive, c’est la maitresse de l’équipe de conduite, il faut prendre soin de ‘La demoiselle’, la ‘bichonner’.

Poste de conduite d’une 241 P


Le chauffeur ‘astique’ les cuivres de la cabine de conduite. J’entends encore mon père dire à maman : ‘Jeanne, n’oublie pas de noter qu’il faut acheter du ‘Miror’, il ne m’en reste presque plus.

Le mécanicien, toujours avec sa burette d’huile à la main, graisse les bielles, les roulements, les coussinets, etc... Lorsque la machine roule, on ne doit entendre que le cliquetis des pistons, le sifflement de la vapeur qui s’échappe, le bruit bien particulier des roues passant sur les joints de dilation des rails, clac ! clac ! clac ! Claquements réguliers qui aujourd’hui ont disparus, les rails étant soudés sur de grandes longueurs.

L’équipe de traction est constituée :

  • Du mécanicien, chargé de la conduite du train, de la surveillance de la voie et des signaux, de la sécurité et de « faire l’heure », jargon de cheminot indiquant que le train doit toujours arriver à l’heure prévue.

  • Du chauffeur, chargé de la production de la vapeur, de l’alimentation du foyer, de l’alimentation en eau et de maintenir la pression dans la chaudière.

Ils effectuent ce travail sur la plateforme, face à la ‘devanture », constituée par la face arrière du foyer, en quelque sorte, le tableau de bord de la machine.

Les mauvaises langues disaient : « le chauffeur fait partie du tender, donc du matériel ». C’est une pure fiction, car un chauffeur est un futur mécanicien en puissance.

C’est jeudi, aujourd’hui pas classe, alors avec maman nous allons en gare de Dijon-ville, voir notre père sur sa locomotive. Papa est déjà parti depuis trois heures de la maison, préparer la machine avant sa mise en ligne. Mécaniciens et chauffeurs disent qu’une bonne préparation c’est 75% de la réalisation du train. Pour eux, lorsque la machine est correctement graissée, lorsque le feu est propre, que le combustible est adapté, que la locomotive est conduite par des mains expertes (mécanicien et chauffeur), que voulez-vous qu’il arrive au cours du trajet, hormis les impondérables bien sûr !

Préparation de la locomotive

La prise de service des ‘roulants’ (nom donné au mécanicien et au chauffeur) commence au dépôt en se présentant au « chef de feuille », qui leur remet la ‘feuille de route’ : vitesse autorisée sur le parcours, points de ralentissement, lieu de prise d’eau, etc...

L’équipe signe la feuille et rejoigne leur locomotive pour la préparer, avant sa « mise en ligne » (accrochage au train en gare).

Le mécanicien (Bobèche) effectue le graissage des bielles, des boites d’essieux, des coussinets, etc… S’assure que tout est en bon état de marche, qu’aucune goupille ne manque, qu’aucun boulon n’est desserré, bref, que la machine est en état d’effectuer le parcours dans les meilleures conditions de roulement et de sécurité. Il doit faire vite, 50 points de graissage sont à faire en une heure.

Le chauffeur Paul (mon père), monté sur la plate-forme de la machine, appelée ‘abri’ ou marquise’, ne manque de travail : La première opération est de s’assurer qu’il y a de l’eau dans la chaudière et sur le ciel du foyer (partie haute du foyer). L’absence d’eau provoquerait la déformation de cette plaque en acier, avec des risques d’accidents graves. Ensuite, c’est la « prière » du chauffeur !

Expression poétique s’il en fût qui consiste à se mettre à genoux pour observer par la porte du foyer ouverte le ciel du foyer et vérifier ainsi les vis fusibles et leur parfaite étanchéité. En cas de manque d’eau ou d’une simple insuffisance de ce liquide sur le ciel, ces appareils de sécurité fondent et provoquent en libérant la vapeur l’extinction du feu. « Fondre les plombs » est une faute extrêment lourde, motif de « descente » de machine.

La prière du chauffeur terminée, petit tour dans la boite à fumée pour vérifier le souffleur, appareil qui aspire dans la cheminée les flammes et les fumées. Compagnon précieux du chauffeur, appelé « chef chauffeur », il a permis de sauver des situations désespérées.

Ensuite chargement et rangement dans des casiers sur le tender, des briquettes de charbon. Opération délicate. Papa doit être vigilant, devant attraper des deux mains les briquettes de charbon de10 kg, toutes les 4 à 5 secondes, glissant d’une planche inclinée, il y a danger de les recevoir sur les pieds

Les briquettes correctement rangées, un rapide lavage de l’abri avant de passer au nettoyage du feu.

Muni du « crochet », longue tige de fer de plusieurs mètres (5,10 m et pesant 20 kg), comportant deux crochets à l’avant et une poignée à l’arrière, il pousse le mâchefer (résidu de la combustion du charbon) et le fait tomber dans une fosse.

Le « crochet » et le « souffleur » sont les fidèles compagnons de route du chauffeur.


La grille du foyer propre, le foyer reconstitué. Maintenant il faut ‘allonger le feu’.

Muni de son ‘ringard’, grosse barre de fer recourbée permettant de pousser le feu grâce à sa partie plate, le chauffeur reconstitue le feu (faire un « fond de feu »), avec une trentaine de briquettes cassées en morceaux. Sur le côté du foyer (les « flancs »), elles sont placées à la main pour une plus grande précision et à la pelle pour reconstituer le « talon » du feu afin de ne pas se brûler.


Le feu est allongé, il faut maintenant monter en vapeur la machine.

Selon le temps, la saison, la montée en vapeur peut varier d’une à trois heures. En hiver par exemple, les réservoirs, les conduits gèlent, les pompes elle-même courent le risque de plus fonctionner. Il faut donc chauffer l’eau dans des réservoirs spéciaux, ou profiter de l’excès de vapeur de la locomotive au repos.

Il ne reste plus qu’à effectuer le chargement du tender en charbon (12 tonnes) et en eau (34 m3), sortir du dépôt, rejoindre la rotonde afin de diriger la locomotive sur la bonne voie.

Le trajet jusqu’à la gare, se fait en ‘Haut le pied’ (locomotive sans wagon) à une vitesse de 30 km/h maximum en marche arrière, ainsi, la mise en tête du train sera directe.

Que de force physique déjà dépensée, et ce n’est pas finie… Je comprends maintenant pourquoi maman nous demande de ne pas faire de bruit quand papa dort à la maison et que certain jour où nous étions trop bruyants il allait se reposer au dortoir du dépôt.


Le train en gare

Avec maman, nous voici arrivés à la gare, nous passons tout joyeux sur le quai. J’aperçois les feux rouges arrière de la locomotive venant d’être décrochée du train en provenance de Paris. Elle regagne le dépôt. Celle de papa va arriver dans quelques instants.

Sur le quai, des voyageurs, attentent de monter dans les wagons, d’autres accoudés à la fenêtre fument une cigarette, les parents tiennent leurs enfants par la main. Les amoureux s’enlacent avant de se quitter.

Un agent, muni d’un marteau à long manche, remonte le train en frappant sur les roues des wagons.

Maman m’explique que c’est « le visiteur », il vérifie au son, la résonance des roues, afin de savoir si elles ne sont pas fêlées, ce qui pourrait provoquer un déraillement… La sécurité, toujours la sécurité (aujourd’hui cette vérification est effectuée par des cellules placées le long de la voie).


Une voix se fait entendre dans les haut-parleurs : « Attention, veuillez reculer du bord du quai, ne pas rester sur les marches-pied, la locomotive va s’accrocher au train ». On entend le bruit de la locomotive qui arrive. Le visiteur ayant terminé, attend au niveau des tampons du premier wagon que la locomotive arrive. Bobèche, penché sur la plateforme, suit les consignes de l’agent. Il lève les bras, on entend le choc des tampons de la locomotive sur ceux des wagons. Se glissant entre les tampons, l’agent procède à l’accrochage du train en soulevant de ses deux mains, l’énorme maillon qu’il place dans le crochet. Le train est prêt à repartir.


Nous voici devant la locomotive au niveau de l’échelle de montée sur la plateforme de conduite.… ‘Haut comme trois pommes’, je suis obligé de lever la tête pour voir papa, la visière de sa casquette en arrière, un foulard autour du cou, lunettes ovales, remontées sur la casquette. Ce n’est pas pour faire bien que la visière est dans ce sens, cela évite qu’elle s’envole lorsque le train roule à grande vitesse. Le foulard protège le cou des courants d’air et les lunettes, protègent les yeux des escarbilles de charbon.

Mes yeux sont à hauteur du dessous du foyer. Je vois les flammes, tout est rouge-orange, c’est joli, mais cela me fait peur et lorsque papa veut me prendre pour me monter sur la machine, je ne veux pas.

Lorsque je serai grand, moi aussi je serai chauffeur, puis mécanicien ‘grande roue’, terme employé pour désigner les équipes de conduite autorisées sur ces puissantes locomotives tirant les trains de voyageurs.



La marche du train

Aujourd’hui, Paul (mon père, le chauffeur) et ‘Bobèche’ (le mécanicien), ‘font un train’ pour Avignon, jargon du métier voulant dire ‘je conduis un train jusqu’en Avignon’, de même les cheminots disent : ‘J’ai fait l’heure’, et non pas ‘je suis arrivée à l’heure’….

La feuille de route précise : train voyageur rapide, 350 tonnes, 8 voitures, parcours 470 km avec arrêt à Chalon sur Saône, Macon, Lyon-Perrache, prise d’eau à St Rambert d’Albon, soit 259 km de course sans ravitaillement. Avignon fin de service, (une autre équipe, locomotive, mécanicien et chauffeur, prendra la relève pour Marseille St Charles), charbon embarqué 25 tonnes.

Le haut-parleur grésille : « quai1, le train, pour Lyon, Avignon et Marseille St Charles va partir. Veuillez monter dans les voitures, fermer les portières ».

Le chef de gare, devant la plate-forme de la locomotive bavarde avec le mécanicien en entendant de donner le départ. Papa parle avec maman, pendant que nous les enfants, regardons émerveiller cette machine, le feu en dessous, les quatre grandes roues de 2 mètres de diamètre, les bielles de 3 m de longueur.

De temps à autre, dans un sifflement comme l’air sortant des naseaux d’un cheval de course trépignant en attendant que le jockey lâche les brides, de la vapeur s’échappe des pistons.

C’est l’heure, un coup de sifflet, le chef de gare ouvre le ‘guidon’. L’ordre de départ est donné, nous faisons un signe de main à papa et au mécanicien … au revoir papa, au revoir Bobèche.


Tous deux connaissent parfaitement la ligne, son profil, leurs points de repère qui déterminent souvent l’action du mécanicien et du chauffeur, l’état des rails et la charge à remorquer.

 




Un mécanicien à bord d’une 241 P

 

 

 


 

 

 

  Un chauffeur alimentant le foyer

 

 

 

 

 Bobèche, manœuvre la manette du servomoteur amenant la vapeur dans les cylindres haute et basse pression. Premiers tours de roue, les bielles font leurs allés et venues, de la vapeur s’échappe des cylindres. Il pousse doucement le régulateur, manœuvre les sablières pour éviter le patinage.

Paul, alimente le foyer d’une pelletée de charbon. Un nuage noir sort de cheminée. En regardant la fumée, il sait à sa couleur si la combustion est bonne, s’il y a trop de charbon à l’avant ou s’il y a un trou dans le foyer.

Les wagons passent devant nous. Aux fenêtres les voyageurs font des signes de main, les restants à quai agitent leur mouchoir.

Le dernier wagon passe, les feux rouges de queue s’éloignent… Ce train ne devrait pas poser de problème.


La sortie de la gare avec sa série des aiguillages des changement de voies, le train se tortille, comme le serpent en reptation, afin de rejoindre la grande ligne. Le triage de Gevrey passé, le convoi peut s’élancer. Bobèche arrête le servo moteur et passe la machine en marche ‘compound. (La vapeur est détendue dans le premier groupe moteur (cylindre) ‘Haute pression’, puis est envoyée le groupe moteur ‘Basse pression’, permettant ainsi d’exploiter au mieux l’énergie vapeur).


Paul, « fait le feu », il faut maintenir la chaudière au timbre, pression maximale à 20 bar et l’eau à un niveau suffisant. Une pelletée de charbon de 7 à 8 kg, dans le coin à droite, une pelleté dans le coin à gauche. La porte du foyer ouverte, la température est terrible, la chaleur brûle les mains, le visage et les jambes. Le feu est blanc, tellement clair qu’il fait mal aux yeux, impossible de voir la position du charbon dans le foyer.

Le train roule. Tac ! tac ! font les roues sur les joints de rails. Clac ! clac ! fait l’échappement.

La vitesse augmente, le train file au milieu des vignes bourguignonne aux noms évocateur des grands crus, Chambertin, Nuits St George. Pas le temps de voir les toits polychromes de Beaune, que le train cavale sur Chagny.

Bobèche, observe le manomètre, règle l’alimentation de la chaudière, 100 litres d’eau eau km parfois, pendant que Paul, en fonction du profil de la ligne, continue de charger le foyer, 25 kg de charbon au kilomètre en moyenne.

Le geste de chargement du foyer est l’un des plus difficile à acquérir. En position courbée ou debout le chauffeur, comme le mécanicien, doit maintenir l’équilibre du corps sans cesse projeté d’un côté et de l’autre par les trépidations de la plaque réunissant la machine au tender sur laquelle ils accomplissent leurs travaux.

Il arrive qu’en chargeant le charbon, le chauffeur donne un coup de pelle malencontreux contre la façade de l’ouverture du foyer et dans une grande douleur le bras se paralyse.

Mais quelle satisfaction de regarder la pelletée de charbon jetée sur les de 5 m2 de la grille de chauffe, retomber comme une pluie de météorites.

Les flammes sont longues, rouges, les briques s’allument. Les flammes lèchent les parois du foyer, se glissent dans les tubes à fumée et se tortillent comme des milliers de serpents sans jamais chercher à sortir par la porte. Quel beau spectacle ! La cheminée crache une fumée noire, épaisse… Tout va bien.


Chalon-sur-Saône arrive, premier arrêt. Grâce à ses points de repères, depuis quelques minutes, Bobèche a fermé le régulateur, la vitesse acquise amènera le train jusqu’en gare. Lorsque le ralentissement est suffisant, le freinage peut commencer. Bobèche a un doigté remarquable, il fait partie de ces mécaniciens qui est convenu d’appeler « de bons freineurs ». En dosant les efforts de freinage avec le robinet de frein, il stop son train avec précision, sans provoquer de secousses dans les voitures si désagréable pour les voyageurs.

Chalon sur Saône, annonce le haut-parleur, cinq minutes d’arrêt. Une mini pause pour l’équipage et, le train redémarre. Il est déjà à 100 km/h, lorsqu’il passe à St Loups sur Varennes devant l’immense plaque commémorative érigée en l’honneur de l’enfant du pays : « DANS CE VILLAGE, NICEPHORE NIEPCE INVENTA LA PHOTOGRAPHIE EN 1822 ». A peine le temps de lire l’inscription, le convoi à pleine vitesse traverse Tournus, joyau de l’art roman, et file le long de la Saône pour rejoindre Mâcon, ville natale du poète Lamartine.


Mâcon, ici Mâcon, trois minutes d’arrêt, correspondance pour Bourg-en-Bresse, voie deux. Quai numéro un, attention au départ, fermer les portes. Le sifflet retenti, nouveau départ. Le mécanicien pousse le régulateur, monte la pression pendant que le chauffeur relance le feu. Tantôt levée, tantôt abaissée suivant qu’il doit être lancé plus ou moins loin de l’ouverture du foyer, papa guide la pelle de charbon afin de le disposer de façon homogène dans le foyer.


Jusqu’à Lyon, le rapide longe la Saône sur la rive droite. Les sonneries des passages à niveau se font entendre pour se perdre rapidement dans le lointain. La garde barrière sur la porte de la maison, est saluée d’un coup de sifflet. La gare de Villefranche sur Saône, traversée à 120 km heure, le train cavale sur Lyon-Vaise.

Paul effectue un dernier chargement de cinq, six jets de pelle de charbon (moyenne d’un chargement), vérifie ce qui passe dans le foyer. Avec sa pelle sur le côté, l’orientant une fois à droite, une fois à gauche, il regarde le feu à l’avant, puis dans le fond, à gauche, à droite. Il faut faire vite, dans 30 km c’est le tunnel St Irénée, plus connu sous le nom de tunnel de Fourvière.

Bas de voûte, au passage de la cheminée lorsque la locomotive s’engouffre sous le tunnel une dépression et des retours de flammes risque de se produire. Un gros ‘plouf’ retentit dans la cabine, la fumée et les flammes viennent alors lécher la façade de la porte du foyer. Malheur au chauffeur qui l’ouvre à ce moment-là.

Bobèche commence le processus de ralentissement pendant les 2,100 km de la traversée du tunnel. A la sortie du souterrain, le train franchit le Rhône et glisse le long du quai de la gare de Lyon Perrache. Les sabots frottent sur les roues en dégageant une odeur de métal chaud. Le convoi s'immobilise… Il a fait « l’heure ».


Lyon Perrache, 10 minutes d’arrêt, diffuse les haut-parleurs. Les arrivants se dirigent vers la sortie ou leur train de correspondance, tandis que les partants prennent place dans les compartiments.

Pendant ce temps, le mécanicien, burette d’huile à la main fait le tour de la locomotive, vérifie les températures des bielles, etc…

Le chauffeur passe un coup de jet d’eau sur la plateforme, récupère dans les casiers du tender les paniers contenant les gamelles de leur repas. Je revois papa, préparer son panier, ranger ses gamelles rectangulaires en aluminium s’emboitant sur deux ou trois hauteurs. Maman ayant préparé le casse-croute.


« Attention au départ ! résonne la voix du chef de gare, fermez les portes s’il vous plait ! Le train pour Marseille St Charles avec arrêt à Avignon va partir » ?

Un coup de sifflet strident… lentement, lentement… clac ! un coup d’échappement, clac un second coup d’échappement, le train redémarre. Nouveau chargement de charbon, fermeture de la porte du foyer et un coup d’œil à la cheminée…. La fumée n’est pas noire. Et pourtant le charbon brûle, mais la pression ne monte pas, comme normalement après la mise au feu. Il y a donc une rentrée d’air trop importante et un refroidissement dans le foyer. Le train n’ira pas loin…

Papa, scrute le foyer : le charbon est mal réparti, il y a une bosse à droite et un creux sur la gauche, il doit réactiver la combustion. Les mains enveloppées dans de gros chiffons, il promène le crochet, une tige de 5 m de long pesant 20 kg, sur l’épaisse couche de combustible puis d’un geste puissant, aider du mécanicien qui tient la porte du foyer entrebâillé, les deux hommes synchronisant leurs gestes, mon père retire l’outil chauffé au rouge et le projette sur ses supports, placés sur le tender. De suite, une épaisse fumée noire aspirée par l’échappement est expulsée dans la campagne par la cheminée. La pression monte.

La « Maison » doit être propre disent les roulants en parlant de la cabine de conduite, alors, après chaque mise à feu, le chauffeur lave au jet le plancher, arrose le charbon pour limiter les poussières.

Le feu chargé, la chaudière est au timbre, l’eau à bonne hauteur dans le tube, la maison est propre ; Paul se réfugie dans son coin à droite. Le nez à la fenêtre, les lunettes collées sur le visage il respire à plein poumon le vent qui souffle sur la cabine. Enfin quelques minutes de repos pour avaler son repas.


Sortie de la gare de Perrache, le train franchit le Rhône, suit le fleuve sur sa rive gauche, longe le triage de ‘la Guille’ (la Guillotière), Feyzin avec sa raffinerie. La vitesse augmente, clac ! clac ! clac ! les bruits d’échappement de la vapeur se succèdent de plus en plus rapidement, que déjà les faubourgs de Vienne sont en vue.

En gare de Vienne, un train de marchandise est immobilisé, attendant le passage du rapide, train prioritaire. Un bref coup de sifflet pour saluer les collègues, la traversée de Vienne, n’est déjà plus qu’un souvenir.


Kilomètre 259, St Rambert d’Albon, halte de sept minutes pour faire la prise d’eau. Bobèche, le mécanicien, arrête la machine à hauteur de la grue pour prendre de l’eau. Paul le chauffeur, ouvre les purgeurs. Malgré la confiance entre les deux hommes, le collègue vérifie toujours cette opération. C’est une question de sécurité, car en cas de fuite du régulateur, la vapeur s’amoncelle dans les cylindres moteurs et il y a risque de démarrage intempestif.

Papa, grimpe sur le tender, place la manche à eau dans le « trou d’homme », orifice permettant de laisser passer l’eau. La vanne ouverte, vingt-cinq mille litres d’eau se déverse dans les réservoirs. La vigilance est constante. Il ne faut pas faire déborder les cuves, le ruissellement de l’eau entraine le charbon à l’intérieur de la caisse et nui au bon fonctionnement des appareils d’alimentation.

Le plein terminé, Paul repousse le levier fermant la vanne d’eau, la grue, (la partie horizontale de l’appareil) revient à sa position initiale, parallèle à la voie, et se verrouille. Le ravitaillement est terminé…

Il n’y a pas de temps à perdre, il faut faire l’heure à Avignon, alors les voyageurs descendus du train pour regarder la scène sont priés de remonter rapidement dans les wagons.

Valence est franchi, tout roule, 120 km/heure, vitesse maximum autorisée sur cette portion du trajet.


Soudain un ralentissement non déclenché par l’équipe de conduite provoque un freinage maximum et l’arrêt du train en pleine voie. Sans doute le déclenchement d’un signal d’alarme !

Le mécanicien tire le sifflet à quatre reprises (signal conventionnel) pour demander la protection du train. Le chef de train part à la protection du convoi, Bobèche peut aller voir ce qui se passe.

Sac de secours sur le dos, il longe le train à la recherche de l’anomalie. Pendant ce temps-là le chauffeur reste sur la plateforme.

Il s’agit bien du déclenchement d’un signal d’alarme, tiré d’un compartiment de la 3ème voiture. De nombreux voyageurs sont penchés aux fenêtres, les portes des wagons ouvertes, certains passagers descendent sur la voie, avec tous les risques que cela comporte. Les questions fusent au passage du mécanicien.

  • Encore un pneu crevé ? lance un jeune, croyant faire de l’esprit.

  • Que se passe-t-il ? demande un autre voyageur, penché à une fenêtre.

Arrivée à la voiture dont le signal a été tiré, un homme s’adresse rudement au mécanicien :

  • Il se passe quelque chose sous la voiture il y a comme un mitraillage violent et nous avons décidé de tirer le signal d’alarme.

  • En effet, ça crépite, on dirait un mitraillage, appuie un autre voyageur, un troisième renchérit, et de plus la voiture tangue, se balance de droite à gauche.

Bobèche est bien perplexe, mitraillage, mouvements anormaux, déraillement, il connait ces mots mais dans d’autres circonstances, il y a déjà bien longtemps… pendant la guerre.

Maintenant tout le monde parle avec véhémence. Chacun donne son opinion.

  • Moi, je descends dit une dame, je ne veux plus continuer comme ça. J’ai trop peur. Ça va dérailler.

  • Restez là, ordonne Bobèche, pour le moment, vous ne risquez rien ? Je vais visiter la voiture et j’aviserai.

Il se glisse sous la voiture afin d’examiner les roues et leurs bandages. Rien d’anormal de ce côté-là. Il passe à la suspension, les gros ressorts sont là, bien en place, en parfait état.

La timonerie de frein avec ses leviers, ses axes, ses sabots, semble aussi en parfait état. Tout est normal, aucune anomalie pouvant accréditer les dires des voyageurs.

Sorti du dessous de la voiture, de nombreux voyageurs le pressent de questions.

  • Je n’ai rien trouvé d’anormal :

  • Pourtant, la voiture tangue, il y a des chocs importants. Nous refusons de repartir dans ces conditions, déclare un voyageur.

Peut-être une anomalie lui a-t-elle échappé ? Soudain Bobèche se souvient d’une situation similaire entendue dans un réfectoire, survenue à l’un de ses collègues. Il espère secrètement qu’il s’agit du même incident.

  • Se glissant alors sous la voiture précédente, il repère l’objet responsable de l’incident ! C’est bien celui auquel il pensait. Armé de son couteau, il sectionne la courroie et l’emporte comme pièce à conviction.

  • De quoi s’agit-il ? demande un voyageur descendu sur la voie.

  • Tout simplement de la courroie de transmission de la dynamo qui a sauté de sa poulie.

Il faut tranquilliser les voyageurs, un meneur, un mouvement de panique, peut provoquer des réactions inattendues et compromettre la sécurité et la suite du voyage.

Bon pédagogue, Bobèche, montre la courroie, l’objet de leur peur et explique succinctement le phénomène afin de les rassurer : La courroie sautée, elle tourne autour de l’essieu des roues de la voiture et se comporte comme une véritable fronde. Projetée par la vitesse sur le ballast elle envoie les cailloux sur la voiture arrière. Il s’agit bien, en effet, d’un mitraillage, tout au moins en ce qui concerne le bruit.

  • Mais le balancement de la voiture, réplique une dame non convaincue ?

  • Je ne pense pas qu’il ait eu balancement. Votre voiture est en bon état, je l’ai visitée. C’est probablement la peur provoquée par ce crépitement insolite qui vous fait croire à ce tangage. Je vous assure qu’il n’y a aucun danger.

Entre-temps, le contrôleur est arrivé. Le mécanicien le mets au courant.

  • Tu restes dans cette voiture, si tu constates une anomalie de roulement, tire le signal d’alarme. Je ne reprendrai de la vitesse que progressivement.

  • D’accord, je reste là, et au moindre doute, j’arrête le train. Ce qui fut dit fut fait. Les voyageurs, rassurés par la présence du contrôleur, ne dirent plus un mot.

Remonté sur la machine, Bobèche, donne un coup de sifflet prolongé et effectue un démarrage en douceur. Régulièrement penché à l’extérieur, l’équipe de conduite surveille de près le comportement de la troisième voiture. Quant au balancement il était subjectif, né de l’état d’esprit des voyageurs traumatisés par les projections du ballaste et le bruit de mitraillage. Il reste encore 150 Km à parcourir… Montélimar, Orange, Avignon.


A partir de Valence le mistral remontant la vallée du Rhône est de plus en plus fort (il peut aller jusqu’à 110 km/h, sa moyenne est de 90 km/h). La force du vent est telle qu’il faut sans cesse faire le feu pour maintenir la chaudière au timbre et la vitesse.

L’équipe s’emploie à régler les crans de la marche afin de trouver la position idéale qui fera économiser vapeur et combustible, charger le foyer de plus en plus souvent. La consommation de charbon augmente… la prime d’économie de charbon s’éloigne !

Pas le temps d’apprécier la vallée du Rhône avec ses vignobles, ses vergers, les galets du Rhône posés sur les tuiles des toits, protection contre les assauts du mistral.

Dernière courbe, puis c’est l’entrée en gare d’Avignon. Ville avec son célèbre avec son pont, qui selon la légende a été construit en 1177 par le jeune berger Bénézet, envoyé de Dieu.

Malgré l’incident de la courroie et le mistral, l’expérience et la connaissance de la ligne a permis à l’équipe de rattraper un peu le temps perdu. Le train arrive à Avignon avec 10 minutes de retard.


La machine est décrochée, une autre va prendre la suite, le train continue son chemin jusqu’à Marseille. Nous le retrouverons demain dans le sens du retour.


Fin de service

Locomotive et l’équipe de conduite regagnent le dépôt. Bobèche se présente au « chef de service » afin expliquer les raisons du retard. Aujourd’hui, c’est facile, l’équipe de conduite ne peut être mise en cause… donc pas de sanction financière.

Il reste à amortir le feu afin de conserver que la vapeur nécessaire aux manœuvres. Le feu est abaissé, le tirage est au minimum la consommation est presque nulle.

Frein serré, levier de changement de marche au point mort, la 241P est laissée aux personnels chargés de remplir le tender en charbon et en eau, puis la locomotive passe au lavage.


Le service est terminé, la journée fut longue. Après la douche et malgré la fatigue, les « roulants » aiment se retrouver au réfectoire pour manger chaud assis à une table sans courant d’air comme sur la machine.

Là, ça discute ferme, les histoires fusent. Bien sûr, il s’agit d’histoire de remorque de train, de signal fermé, de charbon qui ne voulait pas brûler, de chef de gare… Bref tout le métier y passe. C’est la détente avant de gagner le dortoir pour un repos bien mérité. Demain sera un autre jour…


Retour au point d’attache

Le retour est prévu en début d’après-midi, Une partie de la matinée est consacrée’ au graissage, au nettoyage de la « machine », faire les cuivres pour que « la demoiselle » soit belle, qu’elle brille, etc...

La feuille de route indique deux arrêts prévus, Lyon -Perrache, Macon avec prise d’eau. Pour le reste c’est classique, type du train, nombre de voitures, poids, vitesse autorisée, etc, etc…

Accrochée au train, il n’y a plus qu’à attendre le signal de départ et ‘faire le train’.

« Faire le train », c’est surtout observer les signaux, leur obéir, respecter les vitesses, et « faire l’heure » en respectant l’horaire tracé : pas de circulation en avance ! Pas de circulation en retard ! Faire le train consiste également à être vigilant.

Être vigilant, c’est être en état de veille constant, prêt à obéir aux indications du signal. A la vue d’un signal « fermé », le mécanicien, prouve sa vigilance en appuyant sur un bouton poussoir. Ce geste d’éclanche l’inscription d’un trait vertical sur la bande graphique qui se déroule dans l’appareil Flaman (la boite noire de l’aviation). Le mécanicien agit selon le signal, qui lui indique la conduite à tenir. Au franchissement de celui-ci un autre signal sonore se déclenche, il réarme alors en appuyant à nouveau sur le bouton-poussoir. La non-vigilance est une faute grave, si cela se produit plusieurs fois, il est retiré des locomotives.

« Faire le train », c’est aussi l’arrêter avec précision en gare, sans provoquer de secousse dans les voitures.


C’est le printemps, le train roule, décor magnifique de voir se dérouler toutes les couleurs que la nature nous offre ! Le vert des blés en herbe se mélangeant avec le jaune des colzas, l’odeur de foin au petit jour du matin. Apercevoir la fuite des animaux surpris au détour de la voie par l’arrivée du train ; le départ au galop d’un cheval, lançant ruade après ruade et s’arrêtant plus loin pour regarder l’objet de sa frayeur, alors que les vaches, imperturbables continuent de brouter.


Soudain, la traction devient plus difficile ; la vitesse décroit. Par un geste de reflexe le mécanicien coupe la vapeur, lève la main, le poing fermé, le pouce dirigé vers la gorge. Il n’a pas besoin de parler, d’ailleurs il ne le peut pas vu le bruit dans la cabine, papa à compris. Lui aussi a agi par réflexe, d’un bond, il met l’injecteur en fonctionnement.

Cette mimique, main levée, poing fermé et pouce dirigé vers la gorge, signifie non pas qu’il faut boire un coup, mais qu’il faut donner à boire… à la chaudière. Mettre en service l’injecteur pour alimenter la chaudière en eau, afin d’éviter la levée des soupapes et la découverte du ciel du foyer. Attention aux fusibles !

En activant la combustion artificiellement, en aspirant à l’aide du souffleur, le chauffeur, sait qu’il risque de faire « coller » le feu., et un feu collé, c’est un feu qui est comme soudé à la grille par une formation de mâchefer et de cendres qui s’opposent au passage de l’air nécessaire à la combustion.

Tout rentre dans l’ordre… Ce sont les aléas du métier, aucun moment d’inattention, il faut toujours être aux aguets.

Le reste du parcours jusqu’à Dijon, se passe normalement, pas de problèmes particuliers, nous avons « fait l’heure ». Le service est terminé, retour au dépôt… Pas tout à fait, il y a encore du travail.


Après le service, la machine doit être lavée, nettoyée à fond. Une machine sale, couverte çà et là de couches de crasse qui dissimulent les défectuosités survenues, empêche de procéder aux menues réparations, indispensable au bon entretien.

Ensuite, nettoyage du foyer, évacuation du mâchefer et des scories tombées du feu par la grille.

La chaudière ne devant jamais être arrêtée, le feu est mis en réserve à l’arrière du foyer (le talon).

(La chaudière est arrêtée uniquement au moment des ‘grandes révisions’ de la locomotive, tous les 140 000 km environ. Ces grandes révisions durent environ une quinzaine de jours. La machine est entièrement démontée… Et souvent, l’équipe profite de ce moment pour prendre leur congé annuel),

Maintenant, le chauffeur passe à l’avant de la locomotive nettoyer la boite à fumée, grand volume qui atteint plusieurs mètres cubes et dans lequel sont aspirés les gaz de la combustion et les fumées, avant d’être rejetés dans l’atmosphère par l’échappement. Elle récupère surtout, le fraisil, déchet de la combustion, qu’il faut vider à chaque rentrée de fin de service.

Armé d’une longue tringle flexible, chaque tube est nettoyé. Les boues, un mélange de cendres, de noir de fumée, d’escarbilles de coke calcinés sortent du tube à chaque passage de la tringle.

Pendant ce temps, le mécanicien vérifie toutes les parties du mécanisme. Cylindres, pistons, bielles, excentrique, garnitures de chanvre, graissage des presse-étoupes, coulisse ; tout doit être visité, nettoyé, réparé huilé ou graissé, sans oublier les essieux.

L’équipe de conduite effectue les petites réparations n’exigeant pas la rentrée aux ateliers.

Le travail terminé, Bobèche et Paul éprouvent un vrai plaisir de voir leur 241 P, luisante et polie, nette dedans comme dehors.


A la maison, maman dresse la table avec quatre assiettes, ma sœur et moi, comprenons que papa va rentrer du travail. Le voilà, avec son panier suspendu à son épaule. D’habitude il le range dans l’alcôve, ce soir il le pose sur sa chaise, l’ouvre et nous donne à chacun un paquet de ‘cailloux du Rhône’, bonbons au chocolat enrobés de sucre glace couleur grisâtre… un régal.

Ce soir la famille est réunie, demain papa est en repos pour deux jours… sauf imprévu, car, il n’est pas rare qu’au petit matin, le coursier, amène une feuille de changement de service. Le chef de dépôt ayant un train à faire circuler et faute d’une équipe disponible, modifie le service prévu de l’équipe en repos.

Encore faut-il que le mécanicien accepte ce changement, car si c’est pour remorquer un ‘patachon’, pas question.

Un « sénateur », nom donné par les cheminots au mécanicien ayant une machine attitrée au service des trains rapides, dit « noble », n’aiment pas « tirer » un train de détail, de peu de noblesse, le « patachon ».

Du caractère, je vous dis, ce mécanicien… Ce sénateur !



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