Y comme Yersin Alexandre


Il naît le 22 septembre 1863 près d'Aubonne ou de Morges, dans le canton de Vaud  en Suisse. Fils de Jean Alexandre Marc Yersin professeur de physique au collège d’Aubonne, et de Fanny Isaline Emilie Moschell, institutrice. Il est le dernier d’une fratrie de 3 enfants. La famille est membre de l’église évangélique libre du canton de Vaud. Sa mère a une ancêtre originaire des Cévennes chassée par la révocation de l’édit de Nantes.

Son père, (1825-1863), meurt d'une hémorragie cérébrale peu avant sa naissance. Sa mère élève seule leurs trois enfants (Émilie, Franck et Alexandre) et s'installe à Morges, à la rue de Lausanne 11, où elle ouvre une institution pour jeunes filles.

En 1882, Alexandre Yersin obtient sa maturité gymnasiale ès lettres (examen sanctionnant la fin des études secondaires), et entame des études de médecine, en 1883, à l'ancienne académie de Lausanne. Il poursuit sa formation médicale à Marbourg en Allemagne. Puis, en 1885, Yersin arrive en France, continue ses études à l'Hôtel-Dieu de Paris où il devient externe dans le laboratoire du professeur Cornil. Là, il fait une rencontre déterminante en la personne d'Émile Roux(2).

Ce dernier lui ouvre les portes de l'institut Pasteur et lui permet de participer aux séances de vaccination contre la rage. Avec lui, il découvre en 1886 la toxine diphtérique. En 1888, il passe son doctorat en soutenant une thèse sur la tuberculose expérimentale où il décrit les lésions d'un lapin atteint de tuberculose, ce qui lui vaut la médaille de bronze de la faculté de médecine de Paris en 1889. Il suit à Berlin le cours de bactériologie de Robert Koch. En 1889, il devient le premier préparateur du cours de microbiologie de l'institut Pasteur. Ce cours marque la très grande influence de la recherche française à l'étranger. Après de nombreuses formalités, il obtient la nationalité française cette même année.

Dès 1890, il éprouve le besoin de voyager après des mois de travail acharné sur la tuberculose et la diphtérie à l’institut Pasteur. En septembre 1890, il rejoint l’Indochine française, où il devient médecin des Messageries maritimes. De là, prendront naissance trois expéditions à travers la jungle indochinoise, région peu connue, sauvage et réputée dangereuse. Durant l’année 1891, Alexandre Yersin traverse fleuves et forêts tropicales et apprend à vivre dans ces lieux. Il s'établira et restera attaché à ce qui était à cette époque un petit village de pêcheur, Nha Trang. C'est au cours de cette première expédition qu'il découvre le site et l'excellent climat de ce qui deviendra Đà Lt dans l’Annam, aujourd’hui le Viet Nam.


En 1892, il s'engage comme médecin de santé coloniale en Indochine sur les conseils de Calmette, le père de la vaccination contre la tuberculose, le BCG (Bacille Calmette et Guérin). Il explore toute la zone aussi bien la topographie que l’anthropologie (coutumes, habitat, et mœurs des tribus rencontrées).

En 1894, Yersin met fin à sa carrière de grand explorateur et cartographe. Il se lance dans l'élevage de chevaux et de bovins pour la production de ses sérums.

Quand une épidémie de peste originaire de Mongolie atteint en 1894 la côte sud de la Chine et notamment Hong Kong, le gouvernement français ainsi que l’institut Pasteur mandatent Yersin pour y étudier les raisons de l’épidémie. Entre le 12 et le 15 juin, Yersin voyage vers Hong Kong et emporte avec lui du matériel emprunté au laboratoire de microbiologie de l’hôpital de Saigon. À son arrivée, il apprend qu’une équipe de savants japonais menée par Kitasato Shibasaburō envoyée par le gouvernement japonais, est également présente pour étudier la nature de cette maladie. Du 17 au 19 juin, il est écarté des hôpitaux anglais, ces derniers, étant à cette époque germanophiles, donnent leur préférence aux Japonais (formés par les Allemands). Yersin décide alors de se faire construire une petite paillote dans laquelle il installe un laboratoire rudimentaire.

Avec quelques piastres distribuées à des matelots anglais ayant pour mission d'enterrer les cadavres, il a accès au dépôt mortuaire où il peut prélever quelques bubons et les ramener dans son laboratoire. Contrairement aux japonais parfaitement équipés, Yersin n’a pas d’incubateur pour faire pousser les cultures des microbes. Et c’est cette absence de matériel qui va lui permettre de faire sa découverte. En effet le bacille(1) de la peste est tué par la chaleur et les japonais malgré toutes les tentatives ne parviennent pas à isoler le bacille. C’est Yersin qui en fait la découverte et ce nouveau bacille sera nommé Yersinia pestis. Bien qu’ayant réussi à isoler ce microbe responsable de millions de morts durant l’histoire, Yersin ne parviendra pas à résoudre le problème de la transmission de la maladie du rat à l’homme. Il envisagera le rôle de la mouche, mais il sera l'un des premiers à reconnaître, dès 1898, la découverte d'un autre pasteurien, Paul-Louis Simond, démontrant le rôle de la puce du rat.

 


En octobre 1894, Yersin cherche à créer un vaccin pour prévenir la peste et un sérum pour la guérir. Il s’installe à Nha Trang au sud de l'Annam, endroit qu’il avait déjà visité durant ses expéditions. Cet endroit était judicieux pour plusieurs raisons. Il offrait la possibilité d’être isolé tout en restant proche de Saïgon et donc en communication avec la Chine et l’Inde, deux grands foyers de la peste. En 1895, il crée l'institut Pasteur de Nha Trang et met en place un laboratoire et tous les équipements nécessaires à la préparation du vaccin contre la peste.

L’année 1896 voit une nouvelle grande épidémie de peste se déclarer à Canton, en Chine. Yersin décide alors de s'y rendre pour tester son sérum antipesteux (sérum de cheval immunisé contre des cultures de Yersinia pestis prélevé chez l'homme). De juin 1897 à juin 1898, Alexandre Yersin sillonne l’Inde en suivant les différentes épidémies de peste afin de perfectionner son sérum qui s’avère trop peu efficace. Paul-Louis Simond vient le relayer. C’est finalement la découverte des antibiotiques qui assureront la guérison de cette maladie, à 60% mortelle. Son laboratoire de Nha Trang s’oriente donc vers les maladies infectieuses chez les animaux, et Yersin étudie activement une autre sorte de peste, la peste bovine, avec laquelle il obtient beaucoup plus de succès. Bien qu'échouant à isoler l’agent de cette seconde peste, il réussit à préparer de grandes quantités de sérum antipestique, à ne pas confondre avec le sérum antipesteux qui soigne la peste « humaine » dite bubonique. Un élevage étant nécessaire pour la création de ce sérum, Alexandre Yersin tente, avec peu de succès, de faire venir des vaches et des poules de Suisse afin d'améliorer le cheptel local par croisements. Tout ceci ayant un prix, Yersin se lance également dans la culture de l'hévéa et de la quinine pour trouver les financements nécessaires.


Ainsi, dès 1898, Yersin s’intéresse à la culture d'Hevea brasiliensis, autrement dit l'arbre à caoutchouc qu'il importe et acclimate. Il réussit à l'introduire en 1899 après plusieurs essais, et ses récoltes de latex sont achetées dès 1903 par les frères Michelin. D'ailleurs, une forêt d'hévéas est proche de Nha Trang. Il fournira la firme Michelin pour la première récolte du latex. Yersin suit alors de très près les problèmes agronomiques des plantations d'hévéas et les problèmes techniques du caoutchouc produit, pour en tirer le profit maximal et ainsi financer ses recherches médicales. Cet arbre est encore à l’heure actuelle l'une des ressources du Viêt Nam. Yersin essaye d’autres cultures comme celle du cacao, du café, du manioc, du palmier à huile, du cocotier ainsi que de plusieurs espèces tropicales aux vertus thérapeutiques. Ces différents essais rencontrent un succès mitigé et Yersin se tourne en 1915 vers la plantation de Cinchonas pour produire la quinine qui permet de traiter le paludisme. Ces plantations lui permettent de subvenir à ses besoins en bétail et matériel, et de développer l’agriculture indochinoise. 

C’est grâce à son statut de médecin du corps de santé colonial, qu’il put, à la fois découvrir le bacille de la peste, créer le deuxième institut Pasteur en Indochine, explorer la chaîne annamitique, être à l’origine de la ville de Dalat, ouvrir l’École de médecine de Hanoï, introduire la culture de l’hévéa, du quinquina. Les touristes ne connaissent généralement de ses explorations que la découverte du site sur lequel fut fondée la ville de Dalat, dominée par le Lang Bian.

Il est fait grand officier de la Légion d'honneur en 1939.

Alexandre Yersin est surtout connu comme découvreur du bacille de la peste et comme principal acteur du gigantesque développement qu’a connu l’Indochine française.

Alexandre Yersin décède le 28 février 1943 d'une myocardite, à l'âge de 79 ans dans sa maison de Nha Trang. Le cercueil est suivi par une foule immense qui tient à rendre hommage à cet homme qui respectait les personnes âgées, soignait gratuitement les plus démunis et adorait les enfants. Il avait, en effet, toujours une friandise pour eux ou les aidait volontiers à construire des cerfs-volants. Son corps est inhumé sur une petite colline de laquelle il pouvait contempler la montagne où il avait réussi à faire pousser l’arbre à quinine.

Alexandre Yersin reste relativement peu connu en Suisse et en France, son pays d’adoption, comparativement au Viêt Nam où il a acquis une plus grande notoriété.

Au Viêt Nam, comme le prouve ce témoignage de M. Dang Anh Trai, dernier survivant à avoir travaillé avec le docteur Yersin: « On le considérait comme un Bouddha vivant, un Bodhisattva qui a sauvé le monde et les humains, plaçant son portrait au premier rang à côté des Bouddhas. »

On peut également remarquer que le Vietnam, à l’histoire pour le moins mouvementée et où presque toutes les rues de l'Indochine ont été rebaptisées avec des noms vietnamiens, conserve encore au XXIe siècle des rues aux noms français, ceux de PasteurCalmette et Yersin. En effet, les Vietnamiens considèrent que ces hommes ont vraiment été bénéfiques pour leur pays. De plus, Alexandre Yersin possède, à côté de sa tombe, un petit pagodon toujours orné de fleurs et d’encens, ce qui représente un honneur sans précédent pour un étranger. En septembre 2012 était présentée une statue de granite] de 4,6 m de hauteur (piédestal de 0,6m compris) d’Alexandre Yersin, devant être installée dans le parc Yersin de Nha Trang, en témoignage de la reconnaissance de la population de la province de Khánh Hòa. Yersin y est vénéré.

Un musée lui est consacré dans l'enceinte de l'institut Pasteur de Nha Trang.

Alexandre Yersin a donné son nom aux lycées français de Đà Lt et de Hanoï. Le consulat général de France à Hong Kong a également baptisé sa bourse d'excellence Alexandre Yersin.

L'ancien lycée Yersin de Dalat, aujourd'hui collège pédagogique de Dalat

Par ailleurs :

  • son nom a été donné à un cargo des Messageries maritimes ;

  • il est une des rares personnalités non vietnamiennes dont le nom ait été donné à une rue de Hô Chi Minh-Ville et au lycée français de Hanoï.

Décorations

 En 2014, Alexandre Yersin est nommé citoyen d'honneur du Vietnam à titre posthume

Dans une des lettres à sa mère il écrit : « Tu me demandes si je prends goût à la pratique médicale. Oui et non. J'ai beaucoup de plaisir à soigner ceux qui viennent me demander conseil, mais je ne voudrais pas faire de la médecine un métier, c'est-à-dire que je ne pourrais jamais demander à un malade de me payer pour des soins. »

Plus tard dans une autre lettre, alors qu'il soigne gratuitement des Annamites, il écrit encore : « Je ne fais pas payer ces gens, la médecine c'est mon pastorat. Demander de l'argent pour soigner un de ces malades, c'est un peu lui dire la bourse ou la vie. »

(1)Un bacille est une bactérie de forme allongée dite « en bâtonnet » — du latin baculus ou baculum, bâton — par opposition à la forme cocci (« ronde »).

(2) Il met au point un sérum efficace pour traiter la diphtérie et fonde avec Louis Pasteur , l’institut Pasteur à Paris

Sources

La peste et le choléra, de Patrick Deville, un livre que j'ai beaucoup aimé et qui m'a donné envie de mettre en lumière ce savant oublié.

Généanet pour sa filiation et Wikipedia 

Marie-Armelle Boucard

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