W comme WARUM…
Comment un « Warum » a sauvé Henri Mosson dans le seul camp de concentration français ?
Engagé dans la Résistance avec des amis dès ses 17 ans, Henri Mosson est arrêté dans un maquis près de Dijon (Côte d'Or). Condamné à mort pour actes de résistance, le 29 juin 1943, il est jeté en prison, où il fait « connaissance avec la rigueur » nazie : ses tortionnaires le pendent par les mains des journées durant. « Le matin, mes pieds touchaient à peine le sol. Le soir, ils touchaient bien. », raconte-t ’il au cours de ses conférences.
Henri échappe au peloton d’exécution. Il est envoyé à « la réserve des otages » au fort de Romainville (Seine-Saint-Denis), où les nazis puisent pour leurs exécutions en représailles d’assassinats de soldats allemands. Là aussi, il échappe à la mort.
La déportation
Le 26 novembre 1943 a 19 ans, Henri arrive au camp de concentration du Struthof, le seul camp de concentration sur le territoire français, situé à l’extérieur du village de Natzwiller (Alsace).
Le commandant du camp accueille les prisonniers par ces paroles : « Vous êtes des voyous. Vous êtes entrés ici par la grande porte et vous ressortirez par la cheminée. »
La durée de vie était en moyenne de 90 jours. « Certains mouraient en trois jours », explique l’ancien détenu classé « Nacht und Nebel » (nuit et brouillard), comme tous les opposants politiques voués à disparaître sans laisser de traces.
Je dois coudre sur mes vêtements mon numéro de prisonnier : « 6290 ». Je le coud de travers ce qui me vaut la plus grande claque de ma vie, lors du rassemblement. A ce moment je lance au SS « Warum » ? (Pourquoi). La connaissance de la langue m’a sauvé d’une mort certaine.
Le SS comprend que je parle allemand. Il me fait affecter à la désinfection » des vêtements avec lesquels les détenus arrivaient… « C’était un peu une planque. »
Pour les autres prisonniers, ceux qui ne parlaient pas allemand, chaque jour ils ramassent les morts qui, eux aussi, doivent être présents aux appels tenus sur la place du camp. Ils « ramènent les cadavres sur le dos », se souvient Henri Mosson, « On devient absolument insensible ».
La libération
Fin août 1944, à l’approche des Alliés, les nazis évacuent le Struthof. Nous sommes transférés vers d’autres camps, pour finir à celui de Munich-Allach. « Un jour, on s’est réveillé et il n’y avait plus de gardiens ».
 mon retour en France, ce n’est « pas la liesse » qui m’attend. « Les gens me prenne pour une bête curieuse », je pèse 38 kg à mon retour en Bourgogne : « On n’avait à manger que du bouillon de choux-raves. A la fin, on n’avait plus que des orties en bouillon. »
Ma nouvelle vie
Je me reconstruis doucement, comme tous mes camarades de captivité. Féru de sport mécanique, je deviens contrôleur technique des Formule 1, rencontre les plus grands comme Alain Prost et Ayrton Senna. « J’ai fait trois fois le tour du monde », dit-il fièrement, lors d’une conférence dans une école.
Toute sa vie, Henri Mosson s’est fait passeur de mémoire, à ses quatre enfants, six petits-enfants et dix arrière-petits-enfants, mais aussi aux quelque « 200 écoles » où il est intervenu. « Même en Allemagne ». « Il faut informer les jeunes. On ne sait pas ce qui peut arriver », dit-il encore, à l’occasion des 80 ans de la Libération de Strasbourg.
Le 5 janvier 2025, l’éternel résistant qui réside à Dijon (Côte d’Or) a fêté ses 101 ans (comme ma maman).
L'entrée du camp de concentration du Struthof, en Alsace. Source : Article du journal local ‘Le bien Public’, remis par ma mère. |
P. GUICHON
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