V comme Viellé ou la fête du BŒUF GRAS
La période de Carnaval donnait lieu autrefois à diverses cérémonies festives dont certaines se sont perpétuées jusqu’à nos jours, mais la fête du bœuf gras ou viellé, étant présente dans plusieurs régions de France, a, aujourd’hui presque entièrement disparu.
Son histoire se confond avec celle du carnaval et s’inscrit comme lui au cœur des festivités des jours gras. Elle adopte les mêmes réjouissances, avec ses personnages costumés, empruntés à l’histoire et au folklore, et donne lieu à une fastueuse parade.
Au 19ème siècle, cette fête suscitait un engouement général : symbolique de bombance en plein carême.
Née à l’époque médiévale, à l’initiative de la corporation des bouchers, la fête du bœuf gras se déroulait pendant le carnaval de Paris et voyait un ou plusieurs bœufs choisis pour leur fort poids en viande, défiler sous la conduite de garçons bouchers au son de la vielle. Un vitrail de l’église de Saint-Etienne de BAR-SUR-SEINE offert en 1552 par la confrérie des bouchers de la ville, constitue la plus ancienne représentation d’un tel cortège.
C’est en effectuant des recherches concernant les ancêtres de mon mari, aussi bien dans le Loiret que dans l’Eure-et-Loir, que j’ai découvert cette fête, qui pourtant, a perduré jusque dans les années 1930 à Orléans.
Je vous propose de nous rendre à ORLEANS (ville où nous sommes nés mon mari et moi et où nous avons vécu une grande partie de notre vie).
La fête se déroule le 8 Février 1807 :
« Un énorme animal, couvert d’une housse écarlate, les cornes ornées de fleurs et de rubans, portant sur son dos un jeune enfant de 6 ans vêtu en amour, ayant un arc à la main et un carquois sur le dos, était suivi par plus de 50 garçons bouchers proprement vêtus, en vestes, bonnets et tabliers blancs, pour une partie à cheval, les autres à pied.
Le cortège parcourut une bonne portion de la ville en faisant éclater sa joie bruyante, et s’arrêtant devant la demeure des principaux habitants de la ville, ainsi qu’à la porte des meilleures pratiques dont la générosité servit à faire un gala splendide qui termina cette fête ».
Rendons-nous maintenant à CHATEAUDUN (Eure-et-Loir) où l’Abbé BORDAS a fait le récit de cette fête burlesque telle qu’elle se déroulait dans cette ville vers 1770.
« Celui d’entre les bouchers de la ville qui présentait le plus beau bœuf devant le bailli, le mercredi de devant celui des Cendres, avait le privilège de vendre seul la viande pendant le Carême ».
A BROU, comme à COURTALAIN ou à DROUE (Eure-et-Loir), tous les ans à pareille époque, les bouchers devaient exposer sur la place du marché un bœuf vivant : le bailli et le procureur fiscal nommaient deux commissaires qui, après avoir prêté serment, procédaient à l’examen des bœufs et choisissaient le plus gros pour être le héros de la fête. L’animal choisi, le corps couvert d’un drap blanc et de grosses tresses de lierre, la tête ornée d’une large branche de laurier ou d’if en éventail, était promené et présenté aux principales maisons et communautés de la ville, escorté de tambours et de trompettes.
Mais quelques contestations pouvaient naître concernant la grosseur et la qualité de l’animal choisi.
« Ce jourd’hui mardi vingt sixième jour de février mil sept cent trente-sept après-midi, devant le notaire royal du grenier à sel de BROU y résidant soussigné,
« Sont comparus Toussaint Gallois, marchand demeurant en la ville de Blois, faubourg de Vienne, paroisse de Saint-Saturnin, et Pierre Rotrou, marchand demeurant à Cloyes, paroisse de Saint-Georges,
« Lesquels nous ont dit, déclaré, affirmé et attesté en leurs âmes et conscience que cejourd’hui sur les trois heures après-midi et sans conséquence, ni avoir été et requis de personne, ils ont été chez les nommés François Jumeau et Jean Bellouis, bouchers en cette ville, à l’effet de voir chacun leurs bœufs, et qui sont ceux mêmes ainsi que les dits Jumeau et Bellouis leur ont dit avoir été par eux le jour d’hier exposés à la boucle de cette ville suivant l’usage ordinaire, et en les visitant après les avoir examiné, testé et manié dans toutes les parties du corps qui font la qualité du bœuf viellé, ils ont remarqué et même reconnu que le bœuf dudit Bellouis avait beaucoup plus de qualité que celui dudit Jumeau et était plus gros, et doit, au préjudice du bœuf dudit Jumeau être le bœuf viellé.
« Qu’après ce temps, s’étant derechef porté au logis dudit Jumeau sur l’intimation à eux faite par Lochereau, sergent, cejourd’hui, requête dudit Bellouis à l’effet de voir et visiter son bœuf, ils ont été surpris du refus qui leur a été fait de la part de la femme dudit Jumeau, de l’entrée dans son logis, et vu cela, ils ont été obligés de se retirer, ce qu’ils nous ont affirmé être véritable, et leur présente déclaration sincère.
« Pourquoi et pour faire le pareil devant tous les juges et autres qu’il appartiendra, ils ont constitué le porteur du présent lui donnant pouvoir de ce faire tant en leurs présence qu’absence, dont et de tout ce que dessus ils nous ont demandé et requis acte à eux le présent octroyé pour servir ce que de raison et ce qu’il appartiendra.
« Dont acte fait et arrêté à Brou, étude du notaire, en présence de Sieur François Lochereau, huissier de la baronnie de Brou et de Charles Bellamy, marchand demeurant au dit Brou, témoins qui ont signé avec le dit Rotrou et nous notaire, et le dit Gallois a déclaré ne savoir signer de ce faire par nous interpellé suivant l’ordonnance. »
Signé : Lochereau, Pierre Rotrou, Charles Bellamy et Legault, Notaire »
L’histoire ne dit pas quel bœuf a finalement été choisi !
Cette fête du bœuf gras a été exportée aux Etats-Unis et au Canada :
Une effigie d’un bœuf gras installée sur un char a défilé au carnaval de Montréal en 2010 et à celui de la Nouvelle-Orléans en 2011.
P.S. l’abbé BORDAS : Jean-Baptiste BORDAS abbé de Châteaudun, a écrit une « histoire sommaire du Dunois, de ses comtes et de sa capitale ». Le manuscrit a été découvert en 1814 dans la bibliothèque d’un vicaire de la Madeleine et acheté par la ville de Châteaudun.
Sources : Wikipédia
Cercle de recherches généalogiques du Perche-Gouët : Anecdotes
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