R comme RELATIONS DIFFICILES ENTRE LE CURE ET SES PAROISSIENS



Une branche importante de la famille maternelle de la mère de mon mari s’est développée dans la moitié nord de l’actuel département de l’Aisne, comprenant Laon, Saint Quentin, le pays de Thiérache entre Vervins, Hirson et Guise, et débordant sur la Marne et les Ardennes.


Dans un petit village situé au cœur de ce territoire, appelé Monceau-le-Neuf-et-Faucouzy, j’ai effectué des recherches dans les registres paroissiaux, qui m’ont permises de vous faire part des écrits du curé Jacques RETOUR, lequel a exercé ses fonctions sacerdotales dans ce village entre 1695 et 1706.

Vous constaterez que les relations entre ce prêtre et ses ouailles furent particulièrement difficiles. Il a décrit ses démêlés avec eux sur plusieurs pages, n’oubliant aucun détail. Est-ce lui qui avait un caractère acariâtre, ou bien étaient-ce ses paroissiens qui étaient agressifs et peu respectueux ?


Voici la plus grande partie de ses récriminations :

Il fait le récit de ses tentatives de travaux pour améliorer l’état de l’église et en profite pour s’épancher sur le caractère difficile de ses paroissiens, et le mauvais exemple qu’ils donnent à leurs enfants.

« Lorsque je suis arrivé à Monceau, au commencement de l’année 1695, l’Eglise était en assez bon état par le dehors, mais très mal en ordre pour le dedant, encore m’a-t-on dit qu’elle était beaucoup mieux qu’elle n’avait été avant Mr de Maucourant (son prédécesseur) qui y avait fait faire la contre table, l’autel de la Vierge et la chaire. Les ornements étaient très malpropres faute d’une armoire pour les fermer (un mot illisible) pauvres et chétifs, le chœur sans bancs et menaçant ruine par les fondements. Un crucifix avec les 2 témoins horribles, la nef sans bancs et sans plancher, les fonds baptismaux ouverts, les portes fermant fort mal, les habitants ne se souciant guère de voir leur église en meilleur état. » (…)


« J’ay trouvé les enfants fort mal instruits tant à la foy qu’aux bonnes mœurs, par la négligence des parents et de Paul Vasseur maître d’école dont la seule compassion de sa part m’a obligé de souffrir (un mot illisible). Le mauvais exemple des parents me semble être la plus forte cause de ce désordre qui est presque incorrigible en ce lieu dont l’impiété et la dureté envers Dieu et le prochain sont le caractère propre. »

« J’ay cru que la douceur, l’honnêteté et l’affabilité pouvaient ramener ces esprits brutaux, mais je me suis bientôt aperçu qu’il n’en faut pas trop et que la sévérité a plus de pouvoir sur eux, au moins pour les contenir dans leur devoir.


« Je fis d’abord pour ma sécurité faire un procès-verbal de l’état du presbytère où il se trouve pour cent francs de réparations à faire, je fis en même temps une sommation aux habitants de remettre la maison et la grange en bon état , faute de quoy je ne prétendais répondre d’aucune ruine ny autre accident, mais ils se moquèrent de cela disant que c’était à Prémontré de faire ces réparations en qualité d’héritier de Mr Maucourant ; on a eu beau leur dire que prémontré n’était obligé qu’aux menues réparations auxquelles le prieur était obligé, point de raison. Pour leur oter sujet d’aboyer, je leur conseillé de saisir du bleds empouillez par Mr Maucourant dont je me rendis adjudicataire pour la somme de vingt sept livres que j’ay employées pour la part de Prémontré aux réparations les plus urgentes, mais cela n’y a pas suffy. » (…)


« Les ruines augmentant de jour en jour, je proposé aux habitants que je réparerais la maison pour les soulager de leur misère, mais ils refusèrent et je m’aperçus bientôt qu’il ne faut point être généreux avec des paysans et que plus on leur en accorde, plus ils deviennent insolents (…) en sorte que je fus obligé après une seconde sommation d’avoir une sentence contre Daniel Idée, maire, qui était cause de leur refus, laquelle condamne les habitants à faire les réparations tant de la maison que du presbytère (…) la sentence est du 27 Juillet 1696 donnée par Mr Antoine Violette lieutenant de la justice de Monceau, elle a été signifiée au maire le même jour. » (…)


« A la cense de Valecour, on a mis le feu à la grange du fermier de prémontré, le 22 Mars, le feu a consumé deux granges pleines de bleds d’avoine et menus grains, une étable ou 20 vaches ont été grillées, à peine a-t-on sauvé la maison, la perte a été de plus de quatre mille livres, causée par la malice. »


« Je me suis employé pour faire renouveler un bail au fermier à cent sous de redevance annuelle pour le labeur de deux fortes charrues, on luy a aidé à rebastir la grange et une maison neuve. Je n’ay eu de tous ces bienfaits que de l’ingratitude. »


« Ne faites jamais d’injustice aux paisans, mais aussi jamais de grâce, et quand il a manqué et que vous pouvez le chatier, ne l’épargnez jamais. » (…)


« Vous verrez dans la suitte que je les ay obliges à reconnaître mon droit qu’ils n’ont osé contredire ».


« Le 30 Avril 1700, a été trouvé au bois du tilleul le corps d’un homme mort inconnu. Depuis reconnu pour un linier de plenefebvre nommé Charles Baudet qui a été assassiné et volé dans les bois le 28 Avril. La justice de Meurey l’ayant levé et visité on a trouvé qu’il avait été assassiné, et le lieutenant de ladite justice l’ayant fait aporter à la porte de l’église, il a été enterré dans le cimetière de la paroisse le 1er jour de may en présence de plusieurs paroissiens avec les cérémonies acoutumées par moy prieur de Monceau. » (1700 p 86/224)


« 1701 : Le 1er jour de cette année, quelques fripons s’étant souller au cabaret et s’étant ensuite battus, jurent le Saint nom de Dieu ; j’ay fait informer contre eux et les ay fait condamner à chacun un écu d’amende à l’Eglise pour entretien du luminaire. »


« Le nommé J. Brunot (qui était Jean Henaut de Magny) ayant quitté sa femme et s’étant marié icy en 1694, a été reconnu pour polygame et aussi à Monceau pour plusieurs assassinats et pour voler a été tenu 3 mois en prison à Laon et condamné aux galères à perpétuité. « Ce Jean Brunot est un scelerat voleur meurtrier bigame, ainsi qu’il a été reconnu en 1702 par moy Jacques Retour Prieur de monceau qui ay découvert que ledit susnommé Brunot s’appelle Jean Henaut fils de Noël Henaut de la paroisse de Berlancourt proche Magny Diocèse de Noyon, ou j’ay parlé à son père qui la reconnu pour son fils. Il est marié depuis 15 ans en ladite paroisse comme Mr le curé me la témoigné. J’ay parlé à sa femme de laquelle il a des enfants. Il était fuy de berlancourt pour des assassinats, de la il a demeuré quelque temps à Boie d’où est fuy pour pareille cause et sest marié à Monceau apparemment sur quelque faux certificat. Il a eu cinq enfants de Madeleine Roblot. En 1700, il a tué un homme au bois du tilleul qu’il a (un mot illisible) enfin est revenu le 10 janvier 1701 (un mot illisible) Les Roblot et ses 3 enfants. »

P 63/224 écrit sur l’année 1694


« Etant tombé malade à la fin du mois de septembre avec des recherches pendant 4 mois, les fripons de Monceau ont été fachés de ce que je sois revenu, espérant et se vantant de piller encore le presbytère comme ils avaient fait à la mort de Mr de Maucourant. »


« Une femme a qui les mauvais traitements de son mary, de son beau père et de sa belle-mère avaient fait tourner la cervelle, est tombée dans une si grande frénésie qu’elle s’est coupé la gorge d’un coup de rasoir, mais on ne sait point au vray la vérité du fait. »


« Cette année a été chétive pour la récolte qui n’a pas été à moitié de l’ordinaire, mais au reste, l’année a été tranquille par la chasse que j’ay donnée aux fripons ».


« En cette année j’ay fait faire les deux crédences qui servent d’armoires aux côtés de l’autel et la menuiserie qui est dans le sanctuaire aux dépens de la fabrique.

« Ensuite, j’ai fait faire les bancs du chœur dont on a crié les places à la porte de l’église. Elles ont été mises à prix et payées par les habitants selon l’ordre qui est marqué dans l’acte qui en a été dressé et qui est parmy les papiers de l’Eglise.

« J’ay voulu entreprendre de faire aussi faire des bancs dans la nef, mais les femmes ont fait voir tant de répugnance à changer de place ou à les payer que j’ay abandonné ce dessein dont un autre viendra peut-être à bout en faisant un plancher à la nef ».

« Cette année s’est passée assez tranquillement dans la paroisse. Des milices y ont causé quelques troubles »

« J’avais cherché tous les moyens de sortir de Monceau pour ma santé, mais puisqu’il a plu à Dieu de me la renvoyer, j’ay demeuré pour y faire sa volonté. Ainsi soit-il. »

« J’ai chassé cette année une friponne de REMIES qui gâtait ma paroisse ».


Ce sont les derniers mots que le curé Jacques RETOUR a écrit sur le village où son ministère n’a pas été de tout repos. Son décès le 23 Août 1707 a mis fin aux chroniques. Les paroissiens sont-ils devenus plus raisonnables ou le nouveau prêtre plus conciliant ?


Voir les citations aux pages suivantes :

  • P 63/224 en bas à droite

  • P 70/224 page de droite

  • P 71/224 pages gauche et droite

  • P 72/224 page gauche

  • P 86/224 page gauche

  • P 91/224 pages gauche et droite

  • P 92/224 page gauche

  • p 107/224 page droite

  • p 110/224 acte de décès du curé Jacques RETOUR


Sources : archives départementales de l’Aisne : Monceau le Neuf (Monceau le Neuf et Faucouzy)





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