N comme NAUFRAGE DE « L’ANSE DU SACH »
Voilà une triste histoire dont j’ai souvent entendu parler dans la famille de ma grand-mère maternelle : Marie Josèphe GUILLEVIN née en 1883 à LOCOAL-MENDON, décédée en 1959 à PLOEMEL.
Du côté de son père Julien-Marie GUILLEVIN (1824 Pluneret – 1899 Locoal-Mendon), elle avait plusieurs demi-frères et sœurs, dont Jean-Vincent GUILLEVIN (1867 Pluvigner -1928 Locoal-Mendon) qui, lui-même, avait été marié 3 fois.
Du 3ème mariage de Jean-Vincent GUILLEVIN avec Marianne LE BERTHE le 21 Novembre 1904, étaient nés 8 enfants.
Ma grand-mère était très proche d’une des filles nées de ce mariage : Armandine Francine née le 14 Septembre 1917 à Locoal-Mendon, qui avait épousé en 1939, un homme veuf : Louis Marie LE GAL, meunier du moulin à marée du Sach à BELZ, sur la route d’ETEL.
Celle que nous appelions Francine évoquait de temps en temps son petit frère Jean-Vincent Marie né le 11 Décembre 1920 à Locoal-Mendon et décédé en mer à l’âge de 17 ans.
Rivière d’Etel, Anse du Sach
Le moulin du Sach
Le 27 Juin 1938, vers 17 heures, le thonier étellois « L’Anse du Sach » quitta le port d’Etel pour une campagne thonière. Ce navire de 49 tonneaux lancé en juin 1931 au chantier olonnais l’Espoir Sablais, avait rejoint la flottille d’Etel le 30 Juillet 1931, sous le matricule A 5 095.
Le Jean-Germaine, un dundee issu du même chantier que le voilier naufragé (1931)
Le patron était Julien LE GAL (sans lien de parenté connu avec le meunier cité ci-dessus) de Saint-Cado qui sillonnait la mer depuis plus de 30 ans.
Voici (entre guillemets) les déclarations de l’unique rescapé, Julien LE GAL le patron :
« J’avais déjà fait 3 campagnes avec « l’Anse du Sach ». Cette fois, j’emmenais un équipage tout neuf. Je connaissais mes hommes : tous du métier et sérieux ».
Vers 18 heures 30, avec 6 hommes à bord, le navire passa la barre d’Etel sans incident avec toute la voilure.
« Mais comme nous faisions eau et que le vent était frais, j’ai fait réduire la voilure ».
« Les deux pompes n’étaient pas suffisantes pour assécher le bateau, alors j’ai demandé le remorqueur d’Etel ».
La mer était basse, le remorqueur ne put franchir la barre. Entre-temps, le vent avait forci et la mer grossissait de plus en plus.
« Nous restions seuls contre le mauvais sort. »
« Voyant que je faisais eau, j’ai alors essayé de naviguer par mes propres moyens et de rejoindre Port-Louis. »
Mais le bateau faisait eau en abondance, la brume tombait, le vent était violent.
« Tout à coup, je vois les brisants, droit devant. Alors je mouille l’ancre et je file une « touée » de 2 maillons et demi de chaîne (environ 75 mètres). »
« Mais l’ancre dut déraper. Nous avons été drossés sur les récifs ».
L’épave est assaillie par de fortes lames. L’équipage très fatigué, s’étant épuisés à la manœuvre des pompes pour évacuer les entrées d’eau, tente de se réfugier dans la mâture. La carène se disloque sous la violence des vagues.
« Deux de mes hommes se sont jetés à la mer pour essayer d’atteindre la rive à la nage. Les trois autres, dont le mousse, sont restés sur le pont ».
« Etant donné que nous étions balayés par les vagues, j’ai grimpé dans la mâture et je me suis accroché. Au même moment, j’ai vu disparaître les deux hommes qui s’étaient jetés à la mer. L’un des trois qui étaient restés sur le bateau s’est déshabillé. Il m’a embrassé, puis il a sauté. Il a disparu aussitôt. Le mousse est parti le dernier. »
« Après, je ne me souviens plus de grand-chose ».
Julien LE GAL eut la chance de conserver suffisamment de forces pour s’agripper aux haubans.
Ce n’est que le lendemain matin vers 8 heures, que le sémaphore de Gâvres aperçut à environ 3 milles, la mâture d’un dundee en partie immergé. Une heure plus tard, le chef guetteur fit connaître le numéro matricule du navire : A 5 095, l’Anse du Sach, et ajouta avoir vu un homme agrippé à la mâture.
Le remorqueur Trégara, du port de Lorient, se rendit sur les lieux du drame et considéra que le sauvetage était impossible, compte tenu de la force des éléments.
Mais la vedette Kerlivio de Groix avec à bord 3 pêcheurs : Messieurs CALLOCH, TONNERRE et SALAHUN réussit à s’approcher du thonier, et après plusieurs tentatives quasi-désespérées, parvint à attraper et tirer Julien LE GAL et à le ramener à Groix en état de choc.
De la vedette d’Henri Calloch et de son sauvetage, Julien LE GAL n’a conservé aucun souvenir. Grâce à un tempérament de fer et à l’énergie admirable de trois hommes, il fut sauvé.
Ce drame a fait cinq victimes :
Albert Joachim LAUREC matelot
Jean-Joseph JAFFRE matelot
Pierre MOLLO matelot
Auguste-Marie MARTIN matelot
Jean Vincent GUILLEVIN le novice
Le corps de Jean Vincent GUILLEVIN ne fut retrouvé que le 11 Juillet 1938, soit 2 semaines après le naufrage, sur le territoire de la commune de PLOUHINEC.
Acte de décès de Jean Vincent GUILLEVIN
Sources : Le nouvelliste du Morbihan 01.07.1938 et 23.09.1938
Ouest-France 23.05.2017 : la Barre d’Etel et le musée des thoniers
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