G comme GARE AUX LOUPS


Au XVIIIème siècle, les attaques de loups enragés se multiplient. Des voyageurs isolés, des enfants gardant leur troupeau, sont victimes de ces bêtes féroces qui se jettent sur eux. La rage, terrible maladie se répand, les médecins sont désarmés, la peur s’installe dans les foyers.


La peur du loup est une peur ancestrale qui, aujourd’hui, a quitté nos contrées, mais elle a hanté des siècles durant les habitants des campagnes de France.


Cela nous instruit sur les conditions de vie de nos ancêtres. Le loup a laissé son empreinte dans notre culture.


En recherchant des ancêtres de la lignée paternelle de mon mari à BRACIEUX, petite ville du Loir-et-Cher, située à quelques kilomètres du domaine de CHAMBORD, j’ai trouvé une note rédigée par le curé le 6 Août 1714.


Les loups étaient présents depuis longtemps dans les bois alentours, notamment dans l’immense domaine forestier du château de CHAMBORD, mais en cet été 1714, les paysans étaient affolés, une créature infernale terrorisait les habitants des petits villages proches de Bracieux.


Voici ce qu’écrit le curé de Bracieux :

« Dans ce mois, Monsieur le chevalier de St Hubert a passé par icy, qui a touché dans notre église avec la permission de Monseigneur de Blois, pour la rage comme on ne parlait alors que de chiens et de loups enragés, on ne peut concevoir combien il est venu de monde de toutes les paroisses voisines pour se faire toucher, il touchait aussi les bestiaux qui avaient été mordus et les garantissait, quelques temps auparavant son arrivée, une beste enragée, les uns disent que c’est un loup-cervier et les autres prétendent que c’est une louve du pais se trouva la nuit à Toury en Sologne qui attaqua le valet de Mr le curé qui gardait son cheval dans un pré.

Elle lui mangea la moitié de la tête et une jambe. Aux cris qu’il faisait les voisins acourant au nombre de huit ou neuf cette cruelle beste les blessa tous dangereusement sans pouvoir se défendre quoy qu’avaient de fourches et autres instruments. Le valet mourut quelques jours après enragé. Un autre nommé Callet tailleur d’habits enragea quelques jours après de la rage ?

On vint quérir le chevalier de St Hubert qui touchait dans notre église, il y alla et le toucha. La rage se passa mais il mourut deux jours après parce qu’ayant la gorge enflammée par le dedans il ne pouvait manger.

Cette beste après le désordre qu’elle avait fait à Thoury se voyant poursuivie, suivit la rivière de Loire jusqu’à Blois. Elle blessa quantité de personnes sur la levée, entre autres un charpentier, le plus fort homme qui fut de Blois. Il se défendit courageusement, il la jetta même par terre d’un coup de hache qu’il lui donna au milieu du front mais ce coup ne l’empêcha pas de lui manger le visage et ce pauvre homme qui, demandant qu’on le fit mourir dès ce moment dans la crainte qu’il avait de faire du mal, enragea le jour de la Saint-Barthélémy, comme celui de Thoury, et fut étouffé le jour de la Saint-Louis. Enfin, cette beste suivit la rue des Cordeliers où elle blessa encore quelques personnes et s’en alla par les corderies et comme elle était poursuivie elle entra dans la maison d’un jardinier qui travaillait à son jardin proche de sa maison. Sa femme se coiffait, elle se jeta sur elle et lui mangea l’oreille. Aux cris que faisait sa femme le mari acourut et n’ayant qu’une méchante mare (bêche) pour toute arme, lui donna tant de coups qu’il la tua par une protection visible à ce qu’on prétend, de la Sainte Vierge patronne de ? car on remarque que cet homme est le plus faible qu’il en eut à Blois. Dieu nous préserve de semblable accident comme la même chose est arrivée en plusieurs endroits particulièrement en Anjou où une infinité de personnes et de bestiaux ont enragé. Il a été non seulement ordonné par arrêt du conseil d’enterrer les bestes mortes sans les ébrecher, mais même il est défendu en quelques endroits de manger de la viande, on prétend qu’en Anjou les oiseaux carnassiers comme les pies et corbeaux sont enragés, qu’ils se jettent sur les hommes et font leurs efforts pour les becqueter. On ne parle pas que les bestiaux qui ont été touchés par le Chevalier de St Hubert enragent, mais comme ils n’ont pas tous été touchés, plusieurs enragent encore.

Tous les jours, dans le parc de Chambord on craint fort que les loups ne mangent de ces bestiaux enragés car si par malheur ils en mangent ils enrageront infailliblement et feront beaucoup de mal. Dieu nous conserve ». AD du Loir et Cher pages 10,11 et 12(en haut à gauche)/359


P.S. on appelle loup-cervier les grands loups capables de s’en prendre à des cerfs. Ce seraient des loups qui auraient pris goût à la chair humaine après les grandes épidémies et les conflits durant lesquels les populations n’ont pas forcément été toutes enterrées ou mal enterrées.

Les loups enragés s’en prenaient à n’importe quelle cible et notamment aux humains. On peut s’étonner que des loups sévissent en plein été, mais la période d’avril à octobre était favorable aux attaques de loups en raison de la végétation qui leur permettait de se cacher et du fait que les humains vivaient davantage à l’extérieur qu’en plein hiver.


Le Chevalier de St Hubert :

Dans l’est de la France, il s’agissait d’un ordre équestre et militaire fondé en 1416, placé sous la protection de Saint Hubert patron des Ardennes ainsi que des chasseurs. C’était aussi un saint invoqué contre la rage.

Ils étaient recrutés dans d’anciennes familles nobles et l’ordre se vouait à des œuvres de bienfaisance et organisait chaque année une chasse au loup grand propagateur de la rage.

Il y a eu des fanatiques et charlatans qui se recommandaient de Saint Hubert et se disaient envoyés par Dieu. Ils faisaient croire aux malades qu’ils avaient le don de les guérir ou de les préserver de la rage en les touchant. Il est probable que le chevalier de St Hubert dont parle le curé est un de ces charlatans. D’ailleurs, en marge de la page 10, le curé a écrit : « la piété de Mgr de Blois a été surprise au sujet du prétendu chevalier ».


Sources : AD du Loir et Cher

Républicain Lorrain : les Chevaliers de St Hubert

Charles BRISSON : annales de Normandie : un aventurier connu sous le nom de Chevalier de

St Hubert

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog