T comme la « TERREUR »
Joseph Alexis Marie BEAUGEARD
Né le 31 janvier 1739 à Martigné-Ferchaud (35), Joseph Alexis Marie BEAUGEARD est le fils de François Alexis Beaugeard né le 8 mars 1696 à Martigné-Ferchaud, décédé le 21 septembre 1766 en ce lieu et de Renée Cocault née le 10 mai 1699 à Rougé (44) et décédée le 18 avril 1750 à Martigné-Ferchaud.
Martigné-Ferchaud est située à l’extrême sud-est de l’Ille-et-Vilaine aux confins de trois départements : la Loire-Atlantique, Le Maine-et-Loire et la Mayenne. En 1793, la ville compte environ 3 550 habitants. Elle doit son nom au travail du fer, activité pratiquée depuis le Ve siècle avant J.C. L’apogée de cette industrie se situe aux 18e et 19e siècles.
Les anciennes forges
Le grand-père de Joseph Beaugeard était maître charpentier à la forge de Martigné. Il s’était marié en 1694 avec Perrine Joly. De ce mariage était né le père de Joseph, François Alexis.
Ses parents se sont mariés le 7 février 1719 à Noyal-sur-Brutz (44). La fratrie comporte dix enfants : Mathurin (1720-1720), François Julien René (1721-1749), Jeanne Renée (1724-1798), François Alexis (1727-1793), Renée Perrine Marie (1730-1730), Renée Françoise (1734), Thérèse (1736-1799), Joseph Alexis Marie (1739-1794), Jean François (1741), Jean (1744-1760). Il est le huitième enfant.
Son père François Alexis Beaugeard est dit « sieur de la Roussellière » et Trésorier de la paroisse.
Cadastre napoléonien
La « Roussellière » est située au Nord de la ville de Martigné en limite avec la commune de Forges-la-Forêt.
Les parents savent signer, c’est le cas de Joseph Alexis Marie mais aussi de sa sœur Thérèse.
François Alexis Beaugeard (père)
Renée Cocault (mère)
Joseph Alexis Marie Beaugeard
Thérèse Beaugeard (sœur)
Je descends de trois des enfants de cette fratrie :
de Jeanne Renée, née le 11 mai 1724 à Martigné, qui a épousé à Forges-la-Forêt (35) le 28 novembre 1744, Louis René Boullet qui est né le 19 mars 1725 à Chelun (35). Ils ont eu dix enfants.
de Thérèse, née le 16 juillet 1736 à Martigné, qui a épousé à Villepôt (44), le 12 avril 1754, Pierre Margat né le 1er février 1736 à Villepôt. Ils ont eu 13 enfants.
de Joseph Alexis Marie qui a épousé Renée Françoise Rihard veuve en première noce de René Lebreton, le 21 février 1764 à Martigné. Renée Françoise est née le 24 juillet 1744 à Forges-la-Forêt.
Il faut se replacer dans le contexte historique national pour mieux comprendre les évènements qui vont se dérouler à Martigné-Ferchaud concernant Joseph Alexis Marie Beaugeard entre 1793 et 1794.
Le 24 janvier 1789, le roi de France Louis XVI convoque les États généraux. De février à avril, les Cahiers de doléances sont rédigés : pour la première fois, les Français « ont la parole » et peuvent exprimer leur souhait de réformes profondes. En mars, avril, on procède à l’élection des députés de la circonscription. Pour être électeur, il faut être un homme de plus de 25 ans, imposable.
Joseph Beaugeard a participé à l’assemblée électorale du 3 avril, en l’auditoire de la baronnie de Martigné-Ferchaud, sous la présidence de René Houdier en vue de la rédaction des Cahiers de doléances.
A partir du 31 mai 1791, la guillotine est adoptée pour les exécutions capitales. Les évènements s’accélèrent à Paris : le 10 août 1792 prise des Tuileries et chute de la royauté et le 17 août, on crée des tribunaux extraordinaires. Le 22 septembre la Monarchie est abolie, c’est l’an 1 de la République.
Le 7 janvier 1793 se termine le procès du roi, puis il est exécuté le 21 janvier. On assiste aussi à des soulèvements contre-révolutionnaires comme en Vendée ou en Bretagne.
Le 10 mars est institué le Tribunal Révolutionnaire. Le 6 avril est établi le Comité de Salut Public composé de 9 membres dont Danton. Ce Comité détient le pouvoir jusqu’au 10 juillet date à laquelle Danton et ses amis sont éliminés au profit de Robespierre.
Le 17 septembre le Loi des suspects permet d’arrêter tous ceux qui semblent défavorables au nouveau régime. Le 19 novembre on confisque les biens des accusés. 1793 fut une année terrible. La société est sans dessus dessous. Mais 1794 n’est pas mieux. La Terreur se poursuit et s'accentue. La lutte est acharnée. La Terreur fait 16 594 victimes entre mars 1793 et août 1794.
A Martigné-Ferchaud, tout commence le 10 mai 1793 an II de la République. Un « certain particulier » fait l’objet d’une dénonciation auprès des officiers municipaux de la commune. Il aurait tenu « des propos contre révolutionnaires, attentatoires à la Liberté et à l’Égalité. »Voici le compte rendu des officiers municipaux :
« Nous nous sommes transportés de la Chambre de la Commune en la maison du dit LEBON sur les six à sept heures du soir… plusieurs personnes nous ont désigné l’auteur dont le public avait à se plaindre que nous avons reconnu le nommé Joseph Beaugeard, laboureur, ci-devant électeur, ci-devant officier municipal, ci-devant membre du corps politique de cette paroisse, demeurant au village de la Roussellière aussi en cette paroisse. »
Des personnes présentes sont prêtes à témoigner. Voici les dépositions :
« Le citoyen Mathurin Hervé premier témoin, officier municipal demeurant au village de la Houdière paroisse de Fercé dépose avoir entendu dire au dit Joseph Beaugeard… nous travaillons tous les jours pour mettre un roi en France, nous avons des députés à Paris qui plaident pour cela. Ce qu’il a répété plusieurs fois malgré les invitations de lui témoin faite au dit Beaugeard de se taire et de s’en aller s’il voulait éviter d’être inquiété comme aristocrate et comme il le méritait. Dépose en outre que le dit Beaugeard a dit que jamais les affaires en finiraient en France qu’il n’y eut un Roi.
Deuxième témoin Pierre Prioul de la Tricotière en la paroisse de Fercé a fait pareille déposition à celle du dit Hervé et a ajouté qu’il avait en vain pressé le dit Beaugeard de s’en aller, qu’il avait toujours insisté à débiter ses propos.
Troisième témoin Jean Leroux demeurant à Penchat ditte paroisse de Martigné, quatrième témoin Jean Loria domestique du ci-devant Leroux, cinquième témoin Marie Le Jard épouse de Jacques Cocault demeurant à La Bautrais paroisse de Retiers : mêmes dépositions…
D’après lesquelles dénonciations et dépositions… nous nous sommes vu dans l’obligation indispensable de faire conduire le dit Joseph Beaugeard accusé en la maison d’arrêt de notre commune et d’en rapporter le présent procès verbal pour en être envoyé en expédition aux citoyens administrateurs du Directoire du District de la Guerche et être par eux pris contre Joseph Beaugeard le parti qu’ils jugeront. »
C’est signé Gautier officier municipal et Renault officier municipal. Ils déclarent aussi que Joseph Beaugeard depuis plusieurs années leur a toujours donné des preuves d’incivisme.
Le 12 mai, le maire et le curé de Forges-la-Forêt tentent d’aider Joseph Beaugeard en écrivant une lettre qui dit ceci :
«Certifions que Joseph Beaugeard … nous a toujours paru doué de bonne mœurs ; mais que se trouvant on ne peut plus épris de boisson vendredi dernier soir chez le nommé Lebon, ville de Martigné, il tint des propos contraires au bon ordre devant quelques officiers municipaux de Fercé. Lesquels dénoncèrent le dit Joseph Beaugeard à la municipalité de Martigné d’après ce que nous en avons appris en foi de quoi nous signons
Hamard Maire J. Taupin Curé de Forges »
Une autre pétition sera adressée quelques jours plus tard, le 20 mai 1793. Cette lettre signée d’une dizaine de citoyens de Martigné est adressée pour attester que Joseph Beaugeard était ivre et de ce fait avait totalement perdu la raison. Une pétition à laquelle on ne donnera pas suite.
Le Mercredi 15 l’accusé est transféré de Martigné à La Guerche de Bretagne.
Le 16 Mai 1793 voici la déposition que Joseph Beaugeard a faite devant le comité de Sureté Général établi auprès du District de La Guerche.
Il dit « qu’il passa une partie de l’après-midi à boire chez La Barbier cabaretière en la ville de Martigné avec Thérèse Beaugeard sa sœur, Pierre Margat mari de cette dernière demeurant au Plessis à Villepot et Louis Boullet demeurant au Toulon en la paroisse de Forges. Que s’en retournant, passant devant la porte de Jean Lebon cabaretier au dit Martigné, il y entra dans l’espérance d’y trouver quelqu’un pour s’en aller avec lui, qu’il était alors ivre… Étant ivre lorsqu’il entra chez Lebon, il ne se rappelle pas les propos qu’il y tint ; mais qu’il ne croit pas avoir tenu ceux contenus au procès verbal des officiers municipaux de Martigné, que s’il l’a fait, il s’en repend… » Le 16 mai, pendant son interrogatoire, le comité considère qu’il « ne paraît pas avoir répondu la vérité ». Après avoir délibéré le comité décide qu’il sera transféré de la maison d’arrêt de La Guerche, puis à celle du département en la ville de Rennes par des gendarmes nationaux.
Pendant son procès devant les juges du tribunal Criminel du département d’Ille et Vilaine, le 14 Pluviôse an II de la République, le citoyen Prioul rapporte que le nommé Beaugeard avait dit qu’il avait offert un verre aux brigands qui étaient descendus chez lui… ils avaient menacé de casser et briser ses meubles , « le déclarant présumant que Beaugeard appliquait le terme brigand à des gardes nationaux qu’il avait ouïe dire avoir fait la fouille chez lui et il lui fit les reproches de qualifier ainsi les patriotes. »
Le 15 Pluviôse, le tribunal déclare Joseph Beaugeard « hors la loi ». Il est condamné à mort, et ordonne qu’il soit exécuté à Martigné « où il sera transféré sous bonne et sûre garde à la diligence de l’accusateur public et livré au vengeur du peuple pour être mis à mort dans les vingt-quatre heures de la translation. » Le tribunal ordonne aussi la confiscation de tous les biens meubles et immeubles du condamné au profit de la République et se réserve le droit, à travers son accusateur public, de poursuivre les auteurs du « faux certificat » c'est-à-dire sans doute des pétitions.
Le jeudi 7 février, le registre d’écrou criminel, Maison de Justice, prison de la porte St Michel dit : « Joseph Beaugeard party le 19 pluviôse pour Martigné-Ferchaud où il doit être exécuté le 20 du même mois de l’an II de la République. »
Joseph Beaugeard est guillotiné le 20 pluviôse an II (8 février 1794) à Martigné-Ferchaud, un vendredi, jour du marché.
On procède à l’inventaire des biens les 2, 3 et 5 avril devant Maître Philament et deux officiers municipaux. Le produit de la vente outils de travail, animaux, linge, meubles… de la ferme de la Rousselière s’élève à 5 695 livres 4 sols.
Le 11 juillet 1794, les enfants Beaugeard déposent une requête auprès du Directoire du District pour pourvoir à leur subsistance et entretien. Ils n’obtiendront qu’en partie satisfaction pour les quatre plus jeunes enfants. L’arrêté du Département d’Ille et Vilaine leur accorde la mainlevée sur les biens, en ce qui concerne la ferme de la Roussellière et ce, le 16 juillet 1795.
Au moment de son arrestation, il était veuf depuis 1784. Il lui restait 8 enfants dont 4 étaient encore mineurs. La plus Jeune Victoire était âgée de 12 ans.
Chronologie des évènements
Vendredi 10 mai 1793 Arrestation à Martigné
Mercredi 15 mai 1793 Transfert à la prison de La Guerche
Dimanche 2 juin 1793 Correspondance entre La Guerche et Rennes
Dimanche 27 janvier 1794 Ordre de convocation des témoins
Lundi 28 janvier 1794 Début des convocations des témoins
Mardi 29 janvier 1794 Suite et fin des convocations des témoins
Samedi 29 janvier 1794 Audition des témoins à Rennes
Dimanche 3 février 1794 Séance du Tribunal Criminel : condamnation à mort
Jeudi 7 février 1794 Transfert du condamné à la prison de Martigné
Vendredi 8 février 1794 Exécution à Martigné
Mercredi 12 mars 1794 Le Directoire de La Guerche ordonne l’inventaire des biens
Mercredi 2 avril 1794 Début de l’inventaire à la Roussellière
Vendredi 11 juillet 1794 Requête des enfants auprès du Directoire
Jeudi 16 Juillet 1795 Arrêté du Département accordant la mainlevée sur les biens.
Sources
Archives départementales d’Ille et Vilaine : L2810 n° 186, 3Q30/2, L 1255, L 2815, L 1127
Thierry GERARD « Un guillotiné à Martigné-Ferchaud : Joseph-Alexis BEAUGEARD
Article paru dans la revue trimestrielle du Cercle Généalogique d’Ille et Vilaine (2ème trimestre 1989)
Guénaële LE MAUFF









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